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Loi sur l’asile : non à une révision sur l’asile. Oui à un débat national.

Combien de révision sur la loi sur l’asile (LAsi) va-t-on encore nous proposer, alors même que  celle-ci est de plus en plus vidée de son contenu? De révision en révision, et invoquant la nécessité d’améliorer la loi fédérale, les mesures urgentes dissimulent  un véritable durcissement et un démantèlement de la politique sur l’asile. Loin d’apporter la protection aux personnes persécutées, les modifications proposées péjorent  les conditions d’accès à l’asile. La Suisse, terre d’accueil et de tradition humanitaire,  risque fort de ne plus pouvoir se prévaloir de ses qualités si la révision de la loi sur l’asile soumise au peuple le 9 juin est acceptée.

Aujourd’hui, il apparait clairement que la question de l’asile est devenue un enjeu majeur de campagne pour les partis. Ce sujet ne doit plus être laissé aux mains de la droite extrême.

Aujourd’hui, l’urgence n’est pas de proposer une énième révision de la LAsi mais bien de traiter le fond de la question, en convoquant vrai débat national réunissant l’ensemble des forces démocratiques.

Il en va de la responsabilité de nos dirigeants politiques de se pencher véritablement sur le sujet. Comme le souligne le communiqué de presse d’Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés : « Une politique d’asile équitable, efficace et crédible n’est possible que si les politiques brisent le cercle vicieux des révisions  de la loi sur l’asile et des référendums lancés pour les contrer. »

Trois des principales modifications sont pour le moins édifiantes :

Le dépôt des requêtes via les ambassades est supprimé

Etre persécuté dans son pays signifie que la liberté et la protection de l’Etat ne sont plus assurées, que autorités locales (les postes de police) ne délivrent plus les documents officiels. Sans passeport ou carte d’identité les opposants sont alors amenés à demander l’asile à l’ambassade.

L’une des modifications de la LAsi prévoit de supprimer les demandes d’asile déposées  auprès des ambassades suisses.

Cette mesure serait désastreuse pour les prétendants à l’asile. La procédure actuelle, via les ambassades, représente le premier verrou auquel les requérants doivent faire face.  Elle est le garant d’un jugement rapide et efficace du personnel diplomatique sur place qui est le plus au fait de la situation du pays et du candidat à l’exil.  Si cette première analyse de la demande d’asile disparaît, les personnes persécutées dans leur pays seront davantage tentées par des voyages  au péril de leur vie sur des embarcations de fortune. Elles seront par ailleurs incitées à faire appel à des passeurs peu scrupuleux.

Cette mesure est loin de faire faire des économies à la Suisse. En cas de notification négative en Suisse, les coûts onéreux des renvois seront à la charge des autorités helvétiques.

Enfin, la suppression de cette méthode favoriserait, par ailleurs, les migrations illégales et économiques, alors qu’il conviendrait de la renforcer, en donnant aux ambassades davantage de moyens.

Création de centres spécifiques pour récalcitrants

La loi prévoit de regrouper dans des centres les requérants qui menacent la sécurité et l’ordre public.

Si l’objectif évident est d’extraire les perturbateurs et de les isoler,  le danger qui en découle, en les réunissant sur un même lieu, n’en est pas moins évident. La spécificité de ces centres va favoriser la délinquance et n’aura comme conséquence que l’amplification du problème.

D’autant que la loi n’explicite pas la notion de « récalcitrant ». Elle demeure  floue sur l’appréciation qui sera faite, laissant ainsi place à l’arbitraire. Elle n’apporte aucun éclaircissement quant aux  critères d’évaluation d’un requérant récalcitrant.

Qui décidera qu’un untel est récalcitrant ? Combien de temps vont-ils séjourner dans ces centres ? Quelles seront les conditions de séjour ? S’agira-t-il de centres ouverts ou  fermés. Dans le cas de centres fermés cela implique un emprisonnement  sans décision judiciaire ?

Il convient avant tout de souligner que la loi sur l’asile n’a pas pour vocation à répondre au problème de la délinquance. En cas de délit, il existe un code pénal qui doit s’appliquer à tous. La LAsi n’est pas non plus un outil qui sert à régir la politique migratoire, encadrée par la loi fédérale sur les étrangers.

La LAsi ne doit pas être détournée de  sa mission initiale qui est de préserver la dignité humaine et de  protéger les requérants à l’asile.

En revanche, il faut s’interroger sur les conditions de vie des demandeurs d’asile et pourquoi une minorité d’entre eux bascule dans la délinquance. Les procédures souvent trop longues (en moyenne trois à quatre ans pour obtenir une notification), la promiscuité dans les centres, le manque de perspective et l’oisiveté favorisent le développement des comportements de type délictueux.  Les autorités devraient davantage tenir compte de ces problèmes et les établir comme priorités majeures.

Suppression de la désertion ou le refus de servir comme motif d’asile

La désertion est un processus complexe. Elle est le produit d’une conviction idéologique, en cela elle s’apparente à une démarche politique. Supprimer la désertion comme motif d’asile revient, par exemple, à condamner les opposants au régime syrien de Bachar El Assad qui refuseraient de servir dans son armée.

En réalité, cette mesure vise, pour l’instant, essentiellement à limiter les requérants d’asile érythréens qui désertent une armée qui souvent  les discriminent, les internent en raison de leur religion ou de leur provenance. En cas de refus de servir l’armée, les Erythréens subissent les pires atrocités : camps de travail, torture, viol et exécution. Pour les Erythréens, la désertion constitue l’un des rares moyens pour s’opposer au pouvoir en place.

En conclusion, il apparait clairement qu’il convient de cesser les révisions constantes de la loi sur l’asile, d’introduire des mesures toujours plus restrictives, mais définir une politique respectueuse des droits humains. La Suisse doit être en mesure de garantir la protection des personnes persécutées dans leur pays. Or, ce n’est pas précisément l’orientation prise par le Conseil fédéral puisqu’il s’octroie la possibilité de mettre en place des « phases de procédures test ». Une  nouvelle réglementation qui permettrait de se passer de l’aval du parlement.

Aujourd’hui, les autorités auraient plus intérêt à réfléchir à une procédure courte et simplifiée pour les cas simples et à un accompagnement dans la formation et l’occupation des demandeurs d’asile, notamment en participant à des travaux d’utilité publique. Ainsi l’intégration des requérants ayant obtenu le statut de réfugié serait facilitée et permettrait aux requérants déboutés un retour au pays, dans la dignité.

En attente de décision, laisser pendant une durée qui peut atteindre plusieurs années, des jeunes gens sans activités est un non sens.

Selon Amnesty International, « les expériences avec des projets de retour dans le cadre du dialogue sur la migration Suisse-Nigéria sont réjouissantes. 90% des requérants d’asile déboutés ont pu profiter et rentrer au Nigéria dans le cadre de ces projets. »

Pour toutes ces raisons je refuse ces mesures urgentes et j’appelle mes concitoyens et concitoyennes à voter NON le 9 juin.

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