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Politique : les cadres ne s’engagent plus

6 octobre 2011 Thierry 0 Comments

Interrogé par un journaliste du PME Magazine, je réagis à la proposition d’un collègue valaison pour la mise en place d’une reconnaissance de l’engagement dans un exécutif communal.

 

Source : http://www.largeur.com/?p=3501

 

Dans les petites communes, les partis peinent à trouver des candidats pour l’exécutif municipal. Ce qui pose un vrai problème de représentativité des élus. Eclairage.
Par Bertrand Beauté

«Dans certaines petites villes, il y a moins de candidats aux élections que de postes disponibles», déplore Marianne Maret, présidente de la commune de Troistorrents. Hormis dans les grandes villes où les politiciens sont des professionnels, les partis ne parviennent plus à trouver des personnes prêtes à s'engager.

Les raisons de ce désengagement? «Nous vivons une véritable crise démocratique, répond Nuria Gorrite, députée au Grand Conseil vaudois et syndique de Morges (PS/VD). Avant, exercer une fonction politique suscitait l'admiration, c'était une reconnaissance sociale. Aujourd'hui, les élus sont dénigrés, ce qui peut décourager les vocations.»

Surtout, les salariés n'ont plus le temps de s'engager pour leur commune ? engagement qui, de surcroit, hypothèque souvent leur carrière. «Dans les villes de moins de 30?000 habitants, les élus sont généralement des miliciens qui exercent une profession en plus de leur engagement, explique Bernard Briguet, directeur romand de l'Association suisse des cadres (ASC) et député au grand conseil valaisan (PDC/VS). Ils consacrent au minimum 15 heures par semaine à la vie publique, mandat qui s'ajoute à leur travail à 100%. Leur vie de famille et leur carrière professionnelle en font les frais: ils doivent quitter leur travail à 16 heures pour se rendre aux séances de la municipalité. Cette disponibilité ralentit leur progression au sein de leur entreprise, à tel point qu'il n'est pas rare de voir des élus quitter leur fonction en cours de législature.»

«La charge de travail des élus est de plus en plus importante», poursuit Nuria Gorrite. Résultat: certaines professions ne sont quasiment plus représentées au sein des exécutifs municipaux. «Les employés de base et les cadres sont remplacés par des retraités, des fonctionnaires, voire des indépendants qui peuvent mieux concilier leur emploi du temps professionnel avec leur activité communale», constate le maire de Vernier (PS/GE) Thierry Apothéloz. Le risque? «Une hyper-concentration de certaines catégories socioprofessionnelles au sein des exécutifs, répond Nuria Gorrite. Si une municipalité ne compte plus que des retraités au sein de son exécutif, cela pose le problème de la représentativité des élus.»

Un phénomène amplifié par le fait que «les employeurs ne veulent plus dégager du temps à leurs employés pour de telles fonctions civiques, estime Marianne Maret. Avant, pour une entreprise, il était intéressant de posséder quelqu'un au sein de l'exécutif municipal. Il existait une sorte de retour sur investissement. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas puisque beaucoup de décisions se prennent au niveau intercommunal, régional ou cantonal. Les employés qui doivent justifier des absences pour cause de vie politique s'en trouvent pénalisés dans leur progression professionnelle.»

Pour tenter de résoudre ce problème, l'Association suisse des cadres (ASC) projette de décerner un diplôme de gestion aux élus municipaux. «En gérant un dicastère communal, les élus acquièrent des compétences qui seront ainsi validées et pourront être mis en avant dans la vie professionnelle privée», explique Bernard Briguet. L'ASC entend ainsi valider des compétences aussi variées que l'expression orale, l'esprit de synthèse, le leadership, la gestion de personnels, etc.

Pour Thierry Apothéloz, une telle reconnaissance des acquis est «intéressante et indispensable». «L'engagement personnel dans une commune ne peut être simplement humaniste, explique l'élu. La poursuite de la carrière professionnelle ou le retour à la vie active se posent pour tous les élus après quatre à douze ans de mandats. Un tel diplôme permettrait de reconnaitre et de valoriser des compétences auprès des entreprises.»

Un avis que ne partage pas Marianne Maret, qui est aussi présidente de la Fédération des communes valaisannes (FCV) et députée au Grand Conseil valaisan (PDC/VS): «Cela ne sert à rien. Les municipaux sont libres d'intégrer ou non leur parcours politique dans leur CV. C'est aussi efficace et moins cher qu'un diplôme. Par ailleurs, aucun examen ne viendra valider les connaissances dans le diplôme proposé par l'ASC. En d'autres termes, le pire comme le meilleur conseiller municipal pourra obtenir ce bout de papier, qui n'aura donc aucune valeur. Ce n'est pourtant pas la fonction qui fait les compétences.»

Sous couvert d'anonymat, certains élus jugent l'idée de l'ASC «bonne», mais regrette que le diplôme ne soit pas reconnu par la Confédération. «Dans ces conditions, il s'agit surtout d'une bonne campagne de recrutement pour l'ASC, persifle un élu. Il faudra être membre de l'Association pour pouvoir prétendre à ce diplôme, et en plus payer pour recevoir ce bout de papier?»

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.

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