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« Je cherche à construire un sentiment d’appartenance »

7 octobre 2022 Thierry 0 Comments

Photo: Fred Merz

Alors que le Programme d’intégration cantonal entame son troisième cycle, le Conseiller d’Etat chargé du Département de la cohésion sociale (DCS), qui comprend le BIE, donne sa vision pour les années à venir.

Magazine de l’intégration (automne 2022) en .pdf)

Avant que vous n’arriviez au Conseil d’Etat en 2018, vous défendiez l’idée que l’intégration des étrangers soit considérée comme une tâche essentielle de l’Etat. Quatre ans après votre élection, quel est votre bilan sur ce point?

Je préfère ne pas utiliser le terme de «bilan», parce qu’il peut donner le sentiment qu’on a accompli quelque chose et qu’on peut s’arrêter, alors que l’intégration des étrangers est un travail qui demande de rester toujours en mouvement. On ne doit jamais cesser de réfléchir, de lancer des projets, de faire évoluer les choses. Nous pouvons être fiers d’un projet comme les Chapiteaux enchantés*, par exemple, mais il faut encore le développer pour qu’il devienne une véritable action de la part des communes. On ne peut pas non plus se satisfaire d’une situation où les personnes de nationalité étrangère, lorsqu’elles ont le droit de vote communal, ne soient qu’un peu plus de 20% à mettre un bulletin dans l’urne, comme aux élections municipales de mars 2021.

La participation politique doit dépasser la seule condition de détenir un passeport suisse. La place qu’occupe l’intégration des étrangers à Genève est donc toujours, à mon sens, insuffisante. Il faut continuer de faire bouger les lignes. C’est ce que nous avons fait par exemple en 2020, lorsque nous avons réuni plus d’une centaine d’afro-descendants avec la Ville de Genève. Nous leur avons montré que la question des discriminations se situait au cœur de nos préoccupations.

Votre politique d’intégration met fortement l’accent sur la présence de services publics de proximité. Vous avez notamment mis en place des postes de coordinateurs dans les nouveaux quartiers du canton. Quel est le sens de ce type d’action?

Le développement des services publics est une question primordiale. Leur absence fait beaucoup de dégâts, elle crée un sentiment d’abandon destructeur pour la démocratie. Leur proximité offre au contraire une présence rassurante. C’est le sens du Conseil des habitants, que j’avais lancé à la Mairie de Vernier, et qui sera développé prochainement dans d’autres communes. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons développé des postes de délégués communaux, qui sont financés ou cofinancés par le canton. Dans les nouveaux quartiers comme celui de Pont-Rouge à Lancy, ces personnes contribueront par exemple à mettre en place des structures de participation et veiller à une certaine équité. Je cherche à construire un sentiment d’appartenance et je crois que les services publics, lorsqu’ils sont ancrés sur un territoire et proches des gens, permettent de le créer. Je tiens aussi beaucoup à promouvoir l’égalité des opportunités pour les personnes d’origine étrangère. Dans le domaine de la culture, par exemple, il faut que chacun et chacune s’autorise à aller au concert, à se rendre dans un théâtre ou à entrer dans un musée sans penser qu’il faut parfaitement maîtriser la langue française.

La participation politique doit dépasser la seule condition de détenir un passeport suisse

Depuis 2019, la Confédération intervient de façon nouvelle avec l’Agenda intégration suisse (AIS), qui allie les politiques fédérales et cantonales dans le domaine de l’asile. Qu’est-ce que ce programme a changé pour la politique genevoise en la matière?

L’AIS a profondément changé la donne. Il a permis de lancer un mouvement très important. On reprochait par exemple à la politique d’asile genevoise de travailler en silos. L’AIS a permis aux institutions
de fonctionner de façon intégrée. L’Hospice général et le BIE travaillent dorénavant main dans la main avec l’ensemble des autres départements et institutions concernées, au plus près des besoins et potentiels individuels des personnes relevant du domaine de l’asile. C’était d’ailleurs l’une de mes intentions en arrivant au Conseil d’Etat. Je défends aussi l’idée qu’en matière d’intégration, comme pour la cohésion sociale en général, il faut toujours associer les aspects collectifs et individuels.
C’est bien de mettre en place des assemblées de quartier, mais il faut aussi s’occuper des besoins spécifiques des personnes. Certaines ne savent pas comment trouver du travail, d’autres cherchent une place dans un club sportif. Il faut permettre à chacun et chacune de participer à des actions collectives, mais il est nécessaire d’accompagner les gens de façon individuelle. Pour bien s’intégrer, il faut se sentir mieux, et pour cela, les solutions collectives ne suffisent pas, même si elles sont nécessaires.

En 2021, vous avez mis en chantier une révision de la Loi cantonale sur l’intégration des étrangers, qui date de 2001 et vous paraît désuète. Quel est l’état de ce projet?

Nous sommes actuellement en train de préparer une concertation, destinée aux professionnels et professionnelles, institutions, associations et société civile, qui aura lieu cet automne en prévision du PIC 3. Cette concertation nous permettra également de faire émerger les impulsions du terrain pour réviser cette loi cantonale sur l’intégration. Dans ce domaine particulièrement, associer l’ensemble des partenaires dès le départ est la seule méthode pour construire un nouveau cadre légal utile et efficace.

Nés suite au confinement et à la fermeture des crèches, les Chapiteaux enchantés offrent des activités gratuites adultes-enfants en âge préscolaire (de 0 à 4 ans) dans plusieurs communes durant l’été.

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