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Quelle politique d'accueil pour la petite enfance ? Le débat Tribune de Genève

Dimanche, les Genevois se prononceront sur cette question par le biais d'une initiative et de son contre-projet. Des crèches, oui, mais comment?

Inscrire le droit à une place d'accueil dans la Constitution, est-ce utile?

Thierry Apothéloz (TA) : L'inscription du droit à la place d'accueil pour chaque enfant en âge préscolaire, comme le demande l'initiative 143, améliorera trois points essentiels. D'abord, il gommera les disparités entre les communes: certaines ont fait un effort important pour la construction de crèches, d'autres non. Ensuite, en 1970, 30% des femmes travaillaient. Aujourd'hui, la proportion s'est inversée: la garantie de l'accueil pour tous offrira une plus grande égalité hommes-femmes. Enfin, un franc investi dans la petite enfance en rapporte trois à l'économie. Faites le calcul?

François Gillet (FG) : Le contre-projet reconnaît la nécessité de trouver des solutions pour pallier le manque. Mais faire croire qu'il suffit de décréter un droit pour que, par magie, la pénurie s'efface, est contestable. Le droit au logement existe dans la Constitution depuis des décennies et n'a rien réglé! Au lieu de créer de faux espoirs, proposons de vraies pistes. D'abord, cadrer précisément les besoins. On a enfin un observatoire cantonal de la petite enfance qui permettra une vision globale. Il s'agira ensuite d'y répondre le mieux et le plus vite possible. Mais charger les seules communes de cette tâche alors que le Canton ne fait que prescrire des normes et surveiller leur application, c'est léger. L'Etat doit devenir acteur à part entière de la politique de la petite enfance.

Qui doit financer la création des crèches?

TA : L'initiative a pris comme modèle le système actuel, où les communes jouent le rôle principal. Le texte évoque aussi la possibilité de partenariats avec des privés. Mais je ne crois pas un instant que l'Etat contribuera à l'effort, comme le prône le contre-projet. En 2007, quand il s'est agi de transférer des charges du Canton aux communes, la première proposition a été d'ôter les 10 millions de subventions cantonales au domaine de la petite enfance! S'appuyer sur les communes permet de surveiller que chacune y met du sien: il est inadmissible que certaines diminuent leurs centimes additionnels au lieu de construire une crèche.

FG : Certes, l'IN 143 n'exclut pas le partenariat public-privé ou la participation du Canton. Mais on ne sortira pas de la pénurie si tous les acteurs concernés ne s'engagent pas résolument dans le défi, comme le contre-projet l'exige. Ça veut dire toutes les communes et le Canton, comme chez nos voisins vaudois. Il y a des collectivités qui auraient pu faire plus. Mais il y en a qui ont tenté d'ouvrir des crèches et se sont vu refuser un projet pour quelques dizaines de centimètres manquants dans leurs locaux.

Certaines normes seraient en effet beaucoup trop contraignantes?

FG : Un certain nombre de dispositions sont clairement dissuasives. L'enjeu après la votation sera d'élaborer une loi d'application plus incitative. Des normes de construction ou d'encadrement pourraient être revues. Il existe une marge d'évolution sans remettre en question la qualité de l'accueil.

TA : D'accord pour reconsidérer les normes de construction, à condition qu'elles garantissent la sécurité des enfants. En revanche, je m'oppose à ce qu'on revoie à la baisse les normes d'encadrement. La situation nous oblige à augmenter la présence des adultes auprès des enfants, car ces derniers vivent un stress familial en augmentation.

Pour maintenir ce taux d'encadrement, il faut du personnel. Or il y a un manque, là aussi!

TA : Pas tant que ça. Entre 2005 et 2010, Vernier a doublé le nombre de places de crèche. Nous avons trouvé à engager car nous offrions des conditions salariales dignes de cette profession, souvent décriée. Il y a des choix politiques à faire pour revaloriser le travail des éducatrices.

FG : Mais il est clair qu'en cinq ans, il serait impossible de trouver assez de personnel diplômé selon les normes actuelles pour répondre à la demande. Il faut rediscuter la répartition du personnel éducatif en fonction des quartiers, de l'âge des enfants et des structures. La qualité doit être préservée mais pas se faire au détriment de l'offre.

Si votre camp remporte la votation, où en sera-t-on dans cinq ans?

FG : En un an, l'observatoire cantonal doit fournir cette photographie des besoins des familles. Ensuite, il faut que les communes, l'Etat et les entreprises se donnent les moyens de créer un maximum de places. Tout ne sera pas réglé en cinq ans, mais on aura plus de chances d'avancer si le contre-projet passe et que l'effort est conjoint.

TA : Grâce au droit inscrit dans la Constitution, on aurait un outil pour mettre au pied du mur les communes qui ne jouent pas le jeu. Et le Canton pourrait participer au financement, comme il l'a fait jusqu'en 2007.

 

Irène Languin, in TDG / 15.06.2012

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