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Pourquoi le Canton se moque-t-il des centenaires ?

26 octobre 2014 Thierry 0 Comments

« Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brule ». Amadou Ampâté Bâ

Le 19 septembre dernier, le Conseil d’Etat a envoyé une lettre à l’ensemble des mairies du canton, leur indiquant que la traditionnelle présence des autorités cantonales aux anniversaires des centenaires ne serait plus assurée. Dès le 1er janvier 2015, le Conseil d’Etat « manifestera plus sobrement son respect à l’égard des centenaires par l’envoi d’un courrier personnalisé, ainsi que d’un bouquet de fleurs ou d’un coffret de trois bouteilles de vin ». Terminé les honneurs. Terminée la reconnaissance d’un parcours de vie. Les centenaire, il y a en a trop. Le Conseil d’Etat n’a plus le temps de leur rendre hommage.

Des économies de bout de chandelle

Cette triste mesure n’est que le dernier exemple en date d’une série de petites économies que le Conseil d’Etat distille ça et là, au grand dam de la qualité de vie des habitant-e-s du canton et, surtout, de la cohésion sociale. On se souvient de la volonté de renoncer à l’affranchissement à forfait des enveloppes de vote, ou à la mesquine diminution de 150.- du supplément d’aide sociale. Pour boucler son budget, le Conseil d’Etat ne recule devant aucun sacrifice. Et aujourd’hui, ce sont nos centenaires qui en font les frais. Triste réalité d’un monde qui oublie celles et ceux qui l’ont bâti et qui ont traversé un siècle d’histoire.

Honorer le passé, c’est aussi préparer le futur

Certes, arriver à 100 ans est souvent un exploit involontaire. Mais c’est un exploit quand même. Et si l’allongement de la durée de vie présage une augmentation massive des centenaires ces prochaines années, il n’en demeure pas moins que, par tradition, les collectivités publiques ont toujours été associées à ces anniversaires hautement symboliques. Pour les centenaires et leurs familles, souvent réunis à cette occasion, c’était aussi l’occasion de dialoguer avec l’Etat et les politiques, de résumer la vie d’une femme ou d’un homme, de parler du quartier, des changements technologiques, de l’Histoire en général et de leurs histoires en particulier. C’était un lien fort entre celles et ceux qui ont bâti la communauté et celles et ceux qui aujourd’hui la dirigent. C’était une tradition solide. Une tradition où le citoyen centenaire ne se tourne plus vers l’Etat, mais voit l’Etat se tourner vers lui et lui rendre hommage. Aujourd’hui, cette tradition va disparaître. Et ce sont les communes qui, déjà bien présentes lors de ces célébrations, prendront le relais.

Que les communes s’en chargent, après tout !

A Vernier – comme ailleurs – chaque célébration d’un-e centenaire est préparée avec soin, en collaboration étroite avec les familles et les proches. Et avec le Gouvernement, qui déléguait jusqu’ici un membre de la Chancellerie pour marquer le coup et rendre hommage aux heureux/euses élu-e-s. Le Canton ne viendra plus ? Tant pis. Les communes prendront le relais – comme elles le font de plus en plus souvent, sans moyens supplémentaires – pour assurer leur présence aux côtés des centenaires. Il est hors de question de se départir de cette tradition. Si les communes doivent représenter l’Etat, elles le feront sans sourciller. A leur manière. Avec respect. Avec humilité.

Pour ma part, en tant que magistrat chargé de la cohésion sociale, je mets un point d’honneur, comme mes collègues, à toujours être présent à ces cérémonies importantes. J’aime à écouter le récit d’une vie, cent ans d’histoire. J’aime à ce qu’on me raconte ma ville, mon canton, mon pays, par celles et ceux qui l’ont vécu pendant un siècle.

Tant pis si cela n’intéresse plus le Conseil d’Etat de la République et Canton de Genève. Les communes, elles, continueront de rendre les hommages que méritent les centenaires.

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