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Les bibliothèques menacées d’une taxe sur le prêt

18 avril 2016 Thierry 0 Comments

Source: Tribune de Genève par Sophie Simon / 15 avril 2016

Le Conseil d’Etat et quelques auteurs genevois opposent au projet fédéral d’une rémunération prélevée sur chaque prêt de livre. Plusieurs pays européens ont franchi le cap.

Le prêt de livres en bibliothèque pourrait-il devenir payant? C’est l’un des scénarios à envisager dans le cadre de la modernisation du droit d’auteur. Elle prévoit l’introduction d’une rémunération pour le prêt d’exemplaires d’une œuvre littéraire ou artistique. A Genève, l’idée séduit peu.

Les documents accompagnant le projet de révision précisent qu’«un exemplaire prêté par une bibliothèque est utilisé par un nombre nettement plus élevé de personnes que celui qui est vendu à un particulier (…) Contrairement à la location, le prêt ne donne lieu à aucune rémunération bien qu’il implique une utilisation tout aussi intensive de l’œuvre. Le Conseil fédéral souhaite éliminer cette inégalité de traitement.»

Aucun chiffre n’est articulé. Un rapport explicatif précise que «le Conseil fédéral est conscient que l’infrastructure technique pour documenter le prêt fait défaut, notamment dans les petites bibliothèques communales (…), l’aménagement des tarifs devra en tenir compte». Un membre du comité de Bibliothèque information Suisse (BIS), Rudolf Mumenthaler, a, sur son blog, basé ses calculs sur un principe de 4 centimes par prêt, par analogie avec les 4 centimes perçus en Allemagne. BIS projette pourtant officiellement un montant bien plus élevé, à 36 centimes, calqué sur le taux d’imposition déjà appliqué pour la location.

L’Europe a franchi le cap

Reste à savoir qui paiera: les collectivités publiques? les bibliothèques? les lecteurs? «Le texte du projet («quiconque prête») vise les bibliothèques, analyse Emanuel Meyer, spécialiste du droit d’auteur au service juridique de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle. Mais cela n’exclut pas qu’un autre acteur reprenne la facture. Au vu de la Constitution fédérale, il paraît cependant peu probable que cette tâche revienne à la Confédération.» Le «droit de prêt» existe déjà dans de nombreux pays européens, et c’est généralement l’Etat qui en supporte la charge, pour le compte des usagers. Selon Thierry Apothéloz, maire de Vernier et président de l’Association des communes genevoises, s’exprimant sur son blog, «dans un pays fédéraliste comme le nôtre il serait impensable de procéder de la sorte. La solution envisagée est un transfert de charges déguisé à destination des communes, ce qui est inacceptable. (…) C’est appauvrir dangereusement l’offre culturelle.»

Le processus de consultation est maintenant achevé, et le Conseil d’Etat genevois a fait part de son désaccord. Le droit de prêt «mettrait en péril l’existence de bibliothèques de lecture publique et scolaire. Cet argent ne serait plus affecté pour augmenter et diversifier les fonds documentaires.»

Manuel Grandjean, directeur du service école médias, fustige «une limitation de l’encouragement à la lecture. Le budget des bibliothèques ne sera pas augmenté, donc la révision se ferait au détriment des acquisitions, et bénéficierait plus aux best-sellers qu’à la diversité. On craint de devoir mettre en place un dispositif administratif très lourd à gérer. Le temps passé à fournir ces éléments serait pris au détriment du temps passé avec les élèves».

Librairies en souffrance

En ville de Genève, tous les documents sont gratuits, rappelle Véronique Pürro, directrice des Bibliothèques municipales. «Les livres mais aussi les CD et les DVD depuis l’an dernier. Il n’y a aucuns frais d’inscription non plus. En 2015 il y a eu 1 245 000 prêts. Si nous devons payer des droits d’auteur dessus, cela représentera une charge financière supplémentaire. Si elle est payée par l’emprunteur, c’est un frein à l’accès. On a à cœur d’acheter nos livres dans de petites librairies locales. Si on prend sur notre budget d’acquisition, nos volumes de commande baisseront et cela deviendra difficile pour elles aussi.»

Sans subventionnement supplémentaire, les bibliothèques craignent d’acheter moins de livres, de devoir diminuer leurs heures d’ouverture et de réduire le nombre de lectures publiques données par des auteurs.

Lire tout l’article sur le site de la Tribune de Genève

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