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[BLOG] Cinéma, médias: le «Squid Game» de la droite au niveau fédéral

24 janvier 2022 Thierry 0 Comments

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Le référendum contre la «loi Netflix» lancé par les Jeunes PLR suisses (avec les Jeunes UDC et les Jeunes vert’libéraux) devrait, sauf surprise, formellement aboutir. Le peuple va devoir voter. C’est regrettable, mais c’est surtout très inquiétant quant au fond. On assiste en effet à un mouvement dont la «loi Netflix» (en réalité un aménagement de la loi sur le cinéma) n’est pas la seule cible. Ce qui est visé, c’est le pluralisme et l’indépendance, des valeurs suisses auxquelles la droite, pourtant, accorde généralement de l’importance. 

Les détracteurs de la «loi Netflix» ont brandi l’hypothèse d’une augmentation du coût des abonnements si les plateformes devaient être obligées de contribuer à la production suisse. Pure spéculation. Cela ne s’est vérifié dans aucun pays. Au surplus, la quote-part de 4% sur les recettes en Suisse de ces plateformes n’est pas un impôt mais une option. En réalité, les plateformes disposeront de la possibilité de soutenir directement des productions suisses, selon leurs propres choix. C’est assez libéral comme principe. Et les chaînes étrangères qui ponctionnent le marché suisse (TF1, M6…) seront logées à la même enseigne. L’Etat (en l’occurrence l’Office fédéral de la culture) interviendra par défaut seulement, ce que personne ne souhaite, en prélevant en cas d’immobilisme cette quote-part de 4% pour la reverser. Cette opération peut permettre le financement de films ou de séries suisses en vue d’une diffusion internationale sur les plateformes coproductrices.

Une atteinte multiple à l’économie

Comment de jeunes consommateurs sensibles au monde de l’entreprise peuvent-ils vouloir brider ainsi la création audiovisuelle? Comment donner du crédit à une démarche PLR qui porte en elle les germes d’une atteinte multiple à l’économie? Le cinéma, en effet, rapporte à trois niveaux. 

D’abord, un tournage en Suisse produit des répercussions économiques dont bénéficient de nombreuses entreprises. Pas seulement dans les domaines techniques ou artistiques. Les entreprises de services aussi. Cela a été mesuré, vérifié et attesté, notamment par le cabinet indépendant EY. Ensuite, le cinéma est un bien culturel qui mérite un soutien au même titre que des orchestres, théâtres, musées ou productions plastique et vidéo, que des fonds publics encouragent par des acquisitions ponctuelles. Enfin, l’image du pays passe, en partie, par le cinéma et par les séries. De nombreux pays l’ont compris. La France, l’Allemagne, la Suède, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, la Grande-Bretagne et d’autres soutiennent une production nationale qui les valorise internationalement. Le nombre de «leurs» séries visibles dans le monde entier dépend ainsi des conditions de production autant que de leurs qualités artistiques.

La Suisse marque un autogoal, mais le match n’est pas terminé. On votera et je gage que la raison l’emportera. Mon inquiétude cependant va au-delà du cas Netflix car la situation met en lumière la persistance d’une méfiance – une défiance, même – à l’égard de l’audiovisuel et des médias qui n’est pas en accord avec les principes fondamentaux suisses de défense du pluralisme.

A qui profite le crime?

A qui profite le crime? On a vu derrière les référendaires la main d’opérateurs zurichois de médias intéressés à développer leurs propres plateformes. L’intérêt public n’est pas leur préoccupation et la défense du pluralisme non plus. Les mêmes se sont beaucoup démenés – ils continuent – pour faire baisser la redevance SSR. Celle-ci permet pourtant à la télévision suisse de rester performante face à la concurrence en dépit du plurilinguisme et de l’exiguïté du pays. Au moment où la population suisse va s’exprimer sur le soutien qu’il convient d’accorder ou non aux médias locaux et régionaux que ces mêmes groupes étouffent, car les services en ligne sont plus rentables, on constate un mouvement global proche de la dérive. Il convient de le stopper, le 13 février d’abord, puis lorsque nous serons appelés à voter pour «la loi Netflix».

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