La classe moyenne au cœur du débat politique

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La classe moyenne au cœur du débat politique

4 mars 2023 Thierry Comments Off

Texte paru dans Le Courrier des lecteurs de la Tribune de Genève du 2 mars 2023

En cette période marquée par l’inflation qui touche notre pays, la question du revenu disponible des ménages – terme que je préfère à celui de pouvoir d’achat, trop consumériste à mon goût – revient en force dans le débat politique.

La question est d’autant plus brûlante dans le canton de Genève, champion suisse toutes catégories en termes d’inégalités. Le revenu des 20% les plus riches est en effet 6 fois plus élevé que celui des 20% les plus pauvres. Nulle part ailleurs dans notre pays cet écart est aussi important. Et dans aucun autre canton – dixit Credit Suisse dans une récente étude – le revenu disponible des ménages n’est aussi bas qu’à Genève.

Notre canton connaît donc une opulence à géométrie variable. Une minorité aisée n’est que peu impactée par l’inflation, tandis qu’une part importante de la population dépend de l’aide étatique (près d’un quart du budget cantonal) pour faire face aux impératifs du quotidien.

«À Genève, le revenu des 20% les plus riches est en effet 6 fois plus élevé que celui des 20% les plus pauvres.»

Thierry Apothéloz

Dans ce contexte, il est intéressant de constater que, depuis 2019, les choses ont passablement évolué sur le front de la politique redistributive. Les prestations sociales ne sont en effet plus réservées aux plus précaires et vulnérables (environ 10% de la population jusqu’alors). La réforme des subsides d’assurance-maladie, adoptée par le peuple en marge de la votation sur la fiscalité des entreprises (RFFA), a fait passer le cercle des bénéficiaires de 50’000 à près de 180’000 personnes, soit un tiers de la population! Si on retranche du décompte les bénéficiaires de l’aide sociale ou touchant des prestations complémentaires, qui constituent les personnes aux revenus les plus modestes, ce sont ainsi 125’000 Genevois – un quart de la population – qui sont directement concernés.

S’agit-il de cette fameuse classe moyenne? Tout le laisse à penser, puisque si on s’intéresse au niveau des revenus à Genève, on constate que le salaire moyen est d’environ 7500 francs par mois, soit près de 90’000 francs par année, ce qui vous situe parfaitement dans les critères d’éligibilité aux subsides.

Cette nouvelle catégorie de bénéficiaires des prestations doit permettre à l’État et aux politiques d’agir beaucoup plus efficacement et de manière plus ciblée au maintien du revenu disponible de la classe moyenne. C’est ce que le Conseil d’État a récemment fait en proposant au parlement d’augmenter le montant des subsides pour neutraliser les effets de l’inflation en 2023. C’est d’ailleurs également à cette catégorie de la population que s’adresse le Parti socialiste en proposant spécifiquement que ce même cercle de bénéficiaires dispose d’un chèque de 300 francs par an pour des soins dentaires.

Au final, il est intéressant de constater que de plus en plus de textes parlementaires prennent ce nouvel étalon des «bénéficiaires de subsides» pour s’adresser à la classe moyenne populaire. Par ce terme, destiné à faire l’objet d’une attention toujours plus soutenue, on désignera cette catégorie de la population aux frontières de la précarité et particulièrement vulnérables aux aléas de la vie. Nous avons aujourd’hui la capacité de mieux la reconnaître. Et donc de mieux la soutenir.