J’espère que vous ne m’en voudrez pas, mais je commencerai par une question qui pourrait casser un peu l’ambiance. C’est promis, je me rattraperai tout à l’heure…
Mais pour le moment, dites-moi : est-ce qu’il y a des choses qui vous inquiètent ?
Cela paraît curieux de s’interroger ainsi un jour de fête nationale, n’est-ce pas ? …un jour où l’on devrait se contenter de sourire, de trinquer, de célébrer…
Eh bien ! Je dois vous le confier d’emblée : le monde tel qu’il va – par certains côtés – m’inquiète. Et je comprends qu’il puisse aussi vous inquiéter.
Le monde tel qu’il va m’inquiète par :
sa vitesse,
son imprévisibilité,
son individualisme,
son manque d’humanité.
On parle sans cesse d’innovation et d’intelligence artificielle, de cryptomonnaies et d’Internet des objets, de villes intelligentes… Or, penser que ces évolutions sont purement technologiques est une illusion.
Ces évolutions touchent à l’humain. Elles métamorphosent notre relation au monde. Elles transforment notre relation à l’autre.
De quelle nature est cette relation au monde, cette relation à l’autre aujourd’hui ?
Ces derniers jours, toutes et tous, nous sommes restés sans voix, sous le choc des images qui nous parviennent de Gaza. Des images d’enfants décharnés, aux os saillants sous leur peau, sur le point de la transpercer. Des images de foules qui s’agglutinent pour quelques grammes de farine, pour un morceau de pain.
La famine, Mesdames et Messieurs. La famine.
Nous sommes en 2025 et nous parlons sans cesse d’innovation et d’intelligence artificielle… tout en assistant à une catastrophe humanitaire, à une guerre où la famine est utilisée comme une arme.
Notre impuissance face à cette situation m’inquiète au plus haut point. Est-il acceptable d’assister à une famine organisée par l’Homme à un endroit où il y a de la nourriture de l’autre côté de la frontière ?
Je ne le crois pas. Combien de temps cela peut-il durer ? Combien de temps ?
Nous devons nous engager – fermement – pour condamner les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Parmi les choses qui m’inquiètent, je pourrais également citer :
l’aveuglement et la passivité face au dérèglement climatique,
le manque de soutien aux personnes âgées ou en difficulté, qui doivent – en 2025 encore – lutter pour leur dignité,
ou encore les attaques contre la démocratie qui, à travers le monde, est malmenée par les extrémismes, les populismes, les autoritarismes.
Bien entendu, je ne veux pas passer sous silence la situation qui est la vôtre, ici à Vernier, à la suite des élections municipales de mars dernier. Malheureusement, certains ont usurpé la confiance sur laquelle repose tout le système du vote par correspondance tel que nous le connaissons en Suisse.
Il faut le dire : c’est grave. D’ailleurs, des investigations du procureur général restent en cours.
Il nous revient aussi de sensibiliser les citoyennes et citoyens à leur devoir. Voter est un acte personnel, important ! Un bulletin de vote n’est pas un simple bout de papier que l’on remet à d’autres !
Mesdames et Messieurs,
Ces dernières années, le monde nous renvoie régulièrement à notre modeste condition humaine.
Il y a cinq ans, un virus nous a placés face à notre vulnérabilité. Il nous a rappelé que l’arrogance humaine n’est pas un rempart contre les lois de la nature.
La pandémie a mis au défi notre économie. Elle a mis au défi notre société. Elle a mis au défi notre fédéralisme.
En 2022, la guerre a fait son retour sur le continent européen. Qui dit guerre, dit instabilité. Insécurité.
Le fracas des armes a réveillé une réalité : la paix et la prospérité ne sont jamais acquises.
Il a souligné aussi que la Suisse n’est pas une île. Oui, nous vivons dans un monde globalisé, interdépendant, interconnecté.
Depuis, le monde n’a cessé de se polariser et de basculer dans l’incertitude, notamment depuis les élections américaines de 2024. Désormais, aucune vérité géopolitique mondiale ne semble pouvoir survivre à son lendemain.
Pour Genève, cela a des impacts concrets. Je pense bien entendu aux conséquences des politiques de puissance sur la coopération internationale et le multilatéralisme – donc sur la Genève internationale.
Nous devons nous engager – et fermement – pour que Genève reste une capitale universelle de dialogue dans ce monde complexe et multipolaire.
Nous devons chérir la diversité de Genève :
ses 189 nationalités,
ses 184 États représentés par une mission permanente,
ses 40 organisations internationales,
ses 476 organisations non gouvernementales.
Nous devons la chérir pour que ce monde ne devienne pas celui de la méfiance, de la défiance.
Malgré les crises et les défis de ces dernières années, l’économie et la société genevoises ont démontré leur force, leur résilience.
Nous disons souvent que cela se vérifie à travers les chiffres, les revenus fiscaux. C’est vrai, bien entendu… mais ce n’est pas tout.
Car si les grandes transitions – qu’elles soient numérique, écologique, démographique… – posent d’énormes risques de fractures entre générations et entre classes, nous voyons combien Genève reste attentive à les éviter.
Nous le savons peut-être particulièrement ici, au Lignon et à Vernier.
Nous avançons en pensant à nos enfants et à nos seniors. Nous avançons en pensant à la classe moyenne et aux plus vulnérables, fragilisés par l’inflation sur les loyers, les primes d’assurance-maladie, les produits de première nécessité. Nous avançons en pensant au contrat social, aux valeurs de liberté et d’égalité, de responsabilité et de solidarité.
Mesdames et Messieurs,
C’est un authentique plaisir pour moi de fêter ce 1er août avec vous ici, au Lignon.
D’abord parce que je suis un enfant d’ici. Petit, j’ai joué ici. J’ai grandi ici. J’ai tant appris ici. Et je vis encore ici.
Ce Lignon, je l’aime du plus profond de mon cœur.
Et au regard des défis exposés tout à l’heure, il me semble bien que le Lignon apporte certaines réponses.
Le Lignon, c’était à l’origine déjà une architecture pour faire face à une forte pression démographique, bien entendu. C’était aussi – et cela reste – un pari de justice sociale, un pari pour la mixité.
C’est un cadre de vie réfléchi – avec des écoles, des centres sportifs, un centre commercial, un centre médical, des crèches. C’est aussi, comme le rappelait récemment Gabrielle Falquet dans Le Courrier, « un quartier qui s’est construit par en bas ».
Oui, ce sont les habitants du Lignon qui font vivre le Lignon.
Je parlais tout à l’heure de « ville intelligente »… Le Lignon, nous serons tous d’accord ici, c’est par essence le modèle d’une ville intelligente !
Nous sommes ici comme au village. Nous nous connaissons. Nous nous croisons. Nous nous retrouvons. La mixité est réelle, assumée. Les liens sont forts, authentiques.
Ces liens n’ont pas besoin d’intelligence artificielle !
Le Lignon, Vernier, Genève : ce sont – au fond – de petites Suisses dont nous pouvons être fiers. Des lieux où l’on soigne le compromis et la diversité.
Revenons un peu à l’Histoire.
En 1291, Uri, Schwyz et Nidwald scellent une alliance. Chacun conserve sa liberté, son indépendance, ses particularités. Mais tous, ensemble, s’assurent sécurité et protection mutuelle.
C’est cela encore aujourd’hui la Suisse, notre Suisse. C’est cela encore que nous chérissons ici même.
Une mosaïque riche – de langues et de cultures, de religions et de traditions. Une main tendue aux minorités. La conviction qu’ensemble, nous sommes plus forts.
Un destin bâti sur des valeurs issues des différences : la paix et la liberté, la démocratie et le fédéralisme, l’hospitalité et la tolérance. Une harmonie, parfois difficile mais présente, entre plusieurs visions du monde.
Mesdames et Messieurs,
J’ai commencé cette allocution par avouer que j’étais inquiet. Je finirai par dire que je suis confiant.
Je suis confiant parce que nous savons les valeurs qui nous permettront de surmonter les défis qui se présentent à nous :
la dignité et la liberté,
la concorde,
la solidarité,
la volonté de travailler ensemble et de rechercher les meilleurs équilibres en faveur de toutes et tous.
Nous savons aussi, ici à Genève, combien il est important d’être ancré dans ses racines tout en étant tourné vers le monde et sensible aux destins des populations oppressées.
Je suis confiant, parce que nous sommes sensibles à la biodiversité, au climat, à la Terre. Je suis confiant, parce que nous savons combien il est précieux de soigner nos seniors et les plus vulnérables d’entre nous. Je suis confiant, parce que nous savons la valeur de la démocratie et que nous ne la braderons jamais.
N’allons pas vers un monde où la technologie dirige l’humain, mais vers un monde où l’humain tire profit de la technologie.
N’allons pas vers un monde où la planète prend sa revanche sur l’Homme, mais vers un monde où l’Homme prend soin de la planète.
N’allons pas vers un monde où l’on s’ignore, où l’on se mure dans le silence, mais vers un monde de contact humain, où l’on se parle.
N’allons pas vers un monde où l’on se méfie, mais vers un monde où l’on s’étreint.
Le monde peut bien aller vite. Il peut bien être imprévisible.
J’ai confiance en notre humanité.
Je vous souhaite à toutes et tous une magnifique fête nationale. Vive Vernier, vive Genève, vive la Suisse !
Discours pour la fête nationale,1er août 2025, au Lignon à Vernier
J’espère que vous ne m’en voudrez pas, mais je commencerai par une question qui pourrait casser un peu l’ambiance.
C’est promis, je me rattraperai tout à l’heure…
Mais pour le moment, dites-moi : est-ce qu’il y a des choses qui vous inquiètent ?
Cela paraît curieux de s’interroger ainsi un jour de fête nationale, n’est-ce pas ?
…un jour où l’on devrait se contenter de sourire, de trinquer, de célébrer…
Eh bien ! Je dois vous le confier d’emblée : le monde tel qu’il va – par certains côtés – m’inquiète.
Et je comprends qu’il puisse aussi vous inquiéter.
Le monde tel qu’il va m’inquiète par :
On parle sans cesse d’innovation et d’intelligence artificielle, de cryptomonnaies et d’Internet des objets, de villes intelligentes…
Or, penser que ces évolutions sont purement technologiques est une illusion.
Ces évolutions touchent à l’humain.
Elles métamorphosent notre relation au monde.
Elles transforment notre relation à l’autre.
De quelle nature est cette relation au monde, cette relation à l’autre aujourd’hui ?
Ces derniers jours, toutes et tous, nous sommes restés sans voix, sous le choc des images qui nous parviennent de Gaza.
Des images d’enfants décharnés, aux os saillants sous leur peau, sur le point de la transpercer.
Des images de foules qui s’agglutinent pour quelques grammes de farine, pour un morceau de pain.
La famine, Mesdames et Messieurs. La famine.
Nous sommes en 2025 et nous parlons sans cesse d’innovation et d’intelligence artificielle… tout en assistant à une catastrophe humanitaire, à une guerre où la famine est utilisée comme une arme.
Notre impuissance face à cette situation m’inquiète au plus haut point.
Est-il acceptable d’assister à une famine organisée par l’Homme à un endroit où il y a de la nourriture de l’autre côté de la frontière ?
Je ne le crois pas. Combien de temps cela peut-il durer ? Combien de temps ?
Nous devons nous engager – fermement – pour condamner les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Parmi les choses qui m’inquiètent, je pourrais également citer :
Bien entendu, je ne veux pas passer sous silence la situation qui est la vôtre, ici à Vernier, à la suite des élections municipales de mars dernier.
Malheureusement, certains ont usurpé la confiance sur laquelle repose tout le système du vote par correspondance tel que nous le connaissons en Suisse.
Il faut le dire : c’est grave.
D’ailleurs, des investigations du procureur général restent en cours.
Il nous revient aussi de sensibiliser les citoyennes et citoyens à leur devoir.
Voter est un acte personnel, important !
Un bulletin de vote n’est pas un simple bout de papier que l’on remet à d’autres !
Mesdames et Messieurs,
Ces dernières années, le monde nous renvoie régulièrement à notre modeste condition humaine.
Il y a cinq ans, un virus nous a placés face à notre vulnérabilité.
Il nous a rappelé que l’arrogance humaine n’est pas un rempart contre les lois de la nature.
La pandémie a mis au défi notre économie.
Elle a mis au défi notre société.
Elle a mis au défi notre fédéralisme.
En 2022, la guerre a fait son retour sur le continent européen.
Qui dit guerre, dit instabilité. Insécurité.
Le fracas des armes a réveillé une réalité : la paix et la prospérité ne sont jamais acquises.
Il a souligné aussi que la Suisse n’est pas une île.
Oui, nous vivons dans un monde globalisé, interdépendant, interconnecté.
Depuis, le monde n’a cessé de se polariser et de basculer dans l’incertitude, notamment depuis les élections américaines de 2024.
Désormais, aucune vérité géopolitique mondiale ne semble pouvoir survivre à son lendemain.
Pour Genève, cela a des impacts concrets.
Je pense bien entendu aux conséquences des politiques de puissance sur la coopération internationale et le multilatéralisme – donc sur la Genève internationale.
Nous devons nous engager – et fermement – pour que Genève reste une capitale universelle de dialogue dans ce monde complexe et multipolaire.
Nous devons chérir la diversité de Genève :
Nous devons la chérir pour que ce monde ne devienne pas celui de la méfiance, de la défiance.
Malgré les crises et les défis de ces dernières années, l’économie et la société genevoises ont démontré leur force, leur résilience.
Nous disons souvent que cela se vérifie à travers les chiffres, les revenus fiscaux.
C’est vrai, bien entendu… mais ce n’est pas tout.
Car si les grandes transitions – qu’elles soient numérique, écologique, démographique… – posent d’énormes risques de fractures entre générations et entre classes, nous voyons combien Genève reste attentive à les éviter.
Nous le savons peut-être particulièrement ici, au Lignon et à Vernier.
Nous avançons en pensant à nos enfants et à nos seniors.
Nous avançons en pensant à la classe moyenne et aux plus vulnérables, fragilisés par l’inflation sur les loyers, les primes d’assurance-maladie, les produits de première nécessité.
Nous avançons en pensant au contrat social, aux valeurs de liberté et d’égalité, de responsabilité et de solidarité.
Mesdames et Messieurs,
C’est un authentique plaisir pour moi de fêter ce 1er août avec vous ici, au Lignon.
D’abord parce que je suis un enfant d’ici.
Petit, j’ai joué ici. J’ai grandi ici.
J’ai tant appris ici. Et je vis encore ici.
Ce Lignon, je l’aime du plus profond de mon cœur.
Et au regard des défis exposés tout à l’heure, il me semble bien que le Lignon apporte certaines réponses.
Le Lignon, c’était à l’origine déjà une architecture pour faire face à une forte pression démographique, bien entendu.
C’était aussi – et cela reste – un pari de justice sociale, un pari pour la mixité.
C’est un cadre de vie réfléchi – avec des écoles, des centres sportifs, un centre commercial, un centre médical, des crèches.
C’est aussi, comme le rappelait récemment Gabrielle Falquet dans Le Courrier, « un quartier qui s’est construit par en bas ».
Oui, ce sont les habitants du Lignon qui font vivre le Lignon.
Je parlais tout à l’heure de « ville intelligente »…
Le Lignon, nous serons tous d’accord ici, c’est par essence le modèle d’une ville intelligente !
Nous sommes ici comme au village. Nous nous connaissons. Nous nous croisons. Nous nous retrouvons.
La mixité est réelle, assumée. Les liens sont forts, authentiques.
Ces liens n’ont pas besoin d’intelligence artificielle !
Le Lignon, Vernier, Genève : ce sont – au fond – de petites Suisses dont nous pouvons être fiers.
Des lieux où l’on soigne le compromis et la diversité.
Revenons un peu à l’Histoire.
En 1291, Uri, Schwyz et Nidwald scellent une alliance.
Chacun conserve sa liberté, son indépendance, ses particularités.
Mais tous, ensemble, s’assurent sécurité et protection mutuelle.
C’est cela encore aujourd’hui la Suisse, notre Suisse.
C’est cela encore que nous chérissons ici même.
Une mosaïque riche – de langues et de cultures, de religions et de traditions.
Une main tendue aux minorités.
La conviction qu’ensemble, nous sommes plus forts.
Un destin bâti sur des valeurs issues des différences : la paix et la liberté, la démocratie et le fédéralisme, l’hospitalité et la tolérance.
Une harmonie, parfois difficile mais présente, entre plusieurs visions du monde.
Mesdames et Messieurs,
J’ai commencé cette allocution par avouer que j’étais inquiet.
Je finirai par dire que je suis confiant.
Je suis confiant parce que nous savons les valeurs qui nous permettront de surmonter les défis qui se présentent à nous :
Nous savons aussi, ici à Genève, combien il est important d’être ancré dans ses racines tout en étant tourné vers le monde et sensible aux destins des populations oppressées.
Je suis confiant, parce que nous sommes sensibles à la biodiversité, au climat, à la Terre.
Je suis confiant, parce que nous savons combien il est précieux de soigner nos seniors et les plus vulnérables d’entre nous.
Je suis confiant, parce que nous savons la valeur de la démocratie et que nous ne la braderons jamais.
N’allons pas vers un monde où la technologie dirige l’humain,
mais vers un monde où l’humain tire profit de la technologie.
N’allons pas vers un monde où la planète prend sa revanche sur l’Homme,
mais vers un monde où l’Homme prend soin de la planète.
N’allons pas vers un monde où l’on s’ignore, où l’on se mure dans le silence,
mais vers un monde de contact humain, où l’on se parle.
N’allons pas vers un monde où l’on se méfie,
mais vers un monde où l’on s’étreint.
Le monde peut bien aller vite.
Il peut bien être imprévisible.
J’ai confiance en notre humanité.
Je vous souhaite à toutes et tous une magnifique fête nationale.
Vive Vernier, vive Genève, vive la Suisse !
Articles récents