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La médiation, une alternative aux conflits entre voisins. L’exemple des Correspondants de Nuit de Vernier

28 août 2014 Thierry 0 Comments

LUNDI 25 AOûT 2014 / Le Courrier

La ville de Vernier a mis en place un réseau de correspondants de nuit, chargés, entre autres, de désamorcer les conflits de voisinage.
Jean-Patrick Di Silvestro

Quand le dialogue est rompu, la médiation peut-elle sauver les meubles? Parfois, à condition d’intervenir assez tôt, précisent les spécialistes.

«La seule chose dont je me sente protégée dans cet appartement c’est de la pluie…» Une plainte parmi d’autres, entendue à la permanence de l’Association genevoise pour la médiation de voisinage (AsMed). Les conflits de voisinage ne font pas que pourrir la vie, ils se répercutent sur la santé des personnes concernées, témoigne la médiatrice Isabelle Raboud, de l’AsMed. Isolement et dépression sont souvent le lot des plus vulnérables, qui finissent par déménager, après beaucoup de temps et d’énergie perdus.
Comme dans toute guerre, l’une des parties finit par capituler. Existe-t-il une alternative? L’AsMed en a fait le pari. Créé en 1994, ce réseau propose ses «bons offices» pour permettre aux «belligérants» de surmonter une crise. Il n’est pas le seul acteur dans ce domaine en pleine expansion, qui compte un nombre croissant d’intervenants (plus de quarante à Genève, seulement dans le domaine du voisinage, selon l’association MédiationS).
Un paradoxe quand on considère le nombre de médiations qui se déroulent effectivement au cours de l’année. Ainsi, la Maison genevoise de médiation, dont les prestations sont payantes, fait-elle état de 4 à 5 interventions par an, pour des problèmes de voisinage. Guère plus du côté du Collectif interculturel de médiation ou de l’AsMed, malgré le fait que cette dernière propose ses services gratuitement.

Gendarmes sollicités
Combien d’affaires de voisinage passent en justice plutôt que par les bons offices des médiateurs? Difficile à dire, puisque le Tribunal des baux et loyers ne dispose en l’état «d’aucun outil statistique permettant de chiffrer le nombre de cas traités» concernant strictement ce problème.
La police cantonale, quant à elle, intervient près de 3000 fois par an pour des plaintes relatives au bruit des voisins, selon ses statistiques 2009-2013 – les nuisances sonores étant, de loin, la cause d’accrochage numéro un. Mais ces interventions ne débouchent pas toutes sur des contraventions, précise le porte-parole de la police Sylvain Guillaume-Gentil. Lorsque les plaintes se répètent et mettent en cause les mêmes personnes, les agents sont souvent amenés à faire office de médiateurs, dans l’espoir d’apaiser les fronts. Et de permettre aux forces de l’ordre de se consacrer à d’autres tâches prioritaires… Car il ne s’agit pas moins d’une dizaine d’interventions par jour, et la police constate que ce nombre a régulièrement augmenté depuis les années 2000. Ces chiffres ne reflètent pas forcément une hausse des cas d’incivilité, précise cependant le porte-parole, mais les gens semblent plus enclins à solliciter les gendarmes pour ces problèmes, remarque-t-il.
L’évolution des rythmes de travail et des horaires y est aussi pour quelque chose, analyse la médiatrice Isabelle Raboud, sociologue de formation. Rien d’étonnant à ce que la vie en communauté s’en trouve bouleversée. Elle estime que la médiation est appelée à se développer, tout en reconnaissant volontiers que c’est souvent une gageure d’amener les deux parties à s’engager dans la démarche.
«Il faut que toutes deux soient prêtes à négocier un minimum», ce qui n’est pas gagné d’avance. Mais quand elles acceptent de s’asseoir à la même table, elles repartent souvent avec le sourire, affirme la médiatrice. Le fait de s’exprimer, de voir sa souffrance reconnue, soulage et libère, assure Isabelle Raboud. Dans le meilleur des cas, la rencontre est l’occasion de se rendre compte que l’autre fait aussi des efforts de son côté, qu’il subit également des inconvénients, voire même que son attitude a été mal interprétée ou que la source des nuisances a été mal identifiée. Or ce dernier cas n’est pas rare, selon les observations de l’AsMed.

Agir en amont
Mais c’est en amont que l’on peut encore agir. «Souvent on nous contacte beaucoup trop tard, la situation dégénère, il y a tellement d’animosité, d’insultes échangées et nous n’avons pas de baguette magique pour y remédier», déplore Anne Rochat, de la Maison genevoise de médiation. De plus en plus de régies en prennent toutefois conscience, déclare Isabelle Raboud. Même constat de la part de Samuel Perriard, médiateur et consultant indépendant, qui affirme intervenir régulièrement dans le domaine du voisinage. Il est en contact avec plusieurs coopératives, associations et réseaux – comme celui des correspondants de nuit de Vernier – et relève le rôle déterminant de ces organismes «qui effectuent un travail formidable» en matière de prévention des conflits.
L’AsMed a été sollicitée pour donner un cours de gestion des conflits à l’intention d’une trentaine de concierges dès cet automne. Sa permanence a également enregistré une nette augmentation des appels et des visites à sa permanence ces dernières années. Un espoir? «Chaque médiation que nous parvenons à organiser, nous la considérons comme un succès», conclut Isabelle Raboud. I

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