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"Lorsque IKEA s’installe, c’est toute une région qui en profite" PME Magasine

11 novembre 2010 Thierry 0 Comments
Infrastructures modifiées, rénovation des centres commerciaux, nouveaux emplois? L'impact pour toute une région de l'installation d'un géant comme Ikea est aussi considérable que mal connu. Notre enquête.
 
Et ça klaxonne! Et ça vitupère! Samedi 18 septembre, les rues de Vernier se transforment en embouteillage géant. Ouvert depuis moins d'une semaine, l'Ikea de Vernier accueille pour la première fois sa clientèle du week-end. L'encombrement de la voirie est à la hauteur de l'événement. Pare-chocs contre pare-chocs, les automobilistes patientent calmement ou s'énervent.

Afin d'absorber le flux de clients, Vernier et Ikea ont travaillé avec la Direction générale de la mobilité (DGM) du canton de Genève. Résultat: la route cantonale a été élargie, avec huit voies créées devant le magasin, et un bus dévié. Suffisant? «Oui, assure Daniel Tona, le directeur de la succursale verniolane d'Ikea. Il n'y a pas eu de problème de circulation depuis l'ouverture. La situation est d'ailleurs idéale: l’arrêt du RER se trouve à deux minutes à pied, de même que l’arrêt de tram, et quatre lignes de bus desservent la zone. En plus, nos clients bénéficient de camionnettes Mobility à moitié prix ou, s’ils sont venus en transports publics, d'un rabais de 50% sur la livraison.»

«Lors de l'ouverture, la situation a été délicate, reconnaît Thierry Apotheloz, le maire socialiste de la commune. Mais depuis, à notre grande satisfaction, on circule beaucoup mieux que ce que l'on prévoyait initialement.» L'édile de la commune préfère relativiser les problèmes de circulation au regard des bénéfices liés à l'arrivée du géant suédois sur ses terres: «L'ouverture d'Ikea a dynamisé toute la région.»

En effet, l'arrivée du fabricant de meubles suédois a eu des conséquences flagrantes sur l'ensemble des zones commerciales situées aux alentours, depuis Vernier jusqu'à Aubonne. Les concurrents s'en sont vite aperçu. «Les deux ou trois premiers mois risquent d'être difficiles pour nous, du fait de l'attrait que suscitent toujours l'ouverture d'un nouveau magasin et les opérations commerciales qui lui sont liées, dit très honnêtement Nicolas Probst, directeur de Fly Suisse, qui dispose d'un grand magasin à Chavannes-de-Bogis. Au-delà, nos clients vont revenir.»

Parce que le vrai concurrent d'Ikea est peut-être Ikea lui-même: depuis l'ouverture de la succursale de Vernier, celle d'Aubonne a perdu près de 25% de sa clientèle. Pour faire face, le magasin vaudois a soumis un projet d'agrandissement et de transformation de sa surface de vente, afin d'aligner son offre sur celle de Genève.

Ne pas se laisser distancer, c'est la stratégie qu'appliquent tous les magasins de meubles de la région. «Nous étions préparés à cette nouvelle concurrence, dont l'arrivée était annoncée depuis des années», dit Nicolas Probst. Ainsi, le magasin Fly de Chavannes-de-Bogis a profité de l'installation d'Ikea à Genève pour s'offrir un lifting. «Nous avons investi une somme conséquente (plusieurs centaines de milliers de francs, ndlr) afin que notre magasin le plus proche de Vernier ne soit pas trop en décalage par rapport à la nouveauté qu'offre Ikea. Les sols, les parois et le parcours ont été complètement repensés et refaits, afin de mettre davantage nos produits en valeur, détaille Nicolas Probst. D'ici à quelques mois, Chavannes retrouvera progressivement son chiffre d'affaires habituel. De nombreux clients de La Côte qui se rendaient à Aubonne passeront maintenant devant chez nous en allant à Vernier. Et nous allons profiter de ce trafic.»

D'autres magasins se sont réaménagés pour faire face à la déferlante suédoise: le 27 septembre, Coop a inauguré la rénovation de sa plus grande succursale de Suisse romande, 5000 m2, au centre commercial de Blandonnet. Coût de l'opération: 21 millions de francs avec, pour objectif, de profiter de l'affluence drainée par le géant suédois. Dans le même temps, l'ensemble des enseignes du centre de Blandonnet a subi un lifting (facture totale: 40 millions de francs), notamment le magasin de meubles Interio Vernier qui a été agrandi. Sa surface commerciale est passée de 4000 à 4500 m2 (contre 26 000 m2 pour Ikea).

A peine plus loin, Conforama se réaménage aussi, tandis que le centre commercial Balexert a inauguré sa nouvelle extension, un investissement de 70 millions de francs, le 5 octobre. Cette opération répond cependant à une autre logique. «Notre rénovation n'a rien à voir avec l'arrivée d'Ikea, elle correspond à un besoin, précise Corine Moinat Vité, ex-directrice de Balexert et actuelle directrice du Département construction, immobilier et centres commerciaux de Migros Genève. Nous travaillons sur le dossier depuis 2005, bien avant qu'Ikea ne commence sa construction. Néanmoins, il est vrai que cela représente un avantage d'avoir modernisé lorsqu'un nouveau centre commercial ouvre ses portes à proximité.» Construit en 1971 à l'époque du «tout bagnole», Balexert avait bien besoin d'une rénovation. «Lorsque nous avons appris que le tram de Meyrin allait passer devant le centre, nous avons pensé qu'il serait intéressant de réaliser un pont, qui permet d'éviter à nos clients une dangereuse traversée des voies, à l'origine de plusieurs accidents graves dans le passé.» Ainsi, la nouvelle extension ouest de Balexert enjambe la route de Meyrin et les lignes de tramway, offrant ainsi aux clients et habitants l'accès aux deux côtés de la route, ainsi qu'à la partie centrale où se trouve le tramway.

Assez pour résister à la concurrence d'Ikea? «Le samedi 25 septembre, nous avons accueilli 37 000 visiteurs à Balexert. Nous n'avions jamais reçu autant de clients à cette période, se félicite Corine Moinat Vité. Je ne pense pas que nous subirons la concurrence d'Ikea. Au contraire.» Etonnamment, c'est également l'avis de Nicolas Probst, le directeur de Fly, pourtant concurrent direct de la marque suédoise: «L'arrivée d'Ikea à Genève est une très bonne chose pour la région. Le site d'Aubonne était trop saturé, ce qui avait tendance à diminuer notre chiffre d'affaires. Ainsi, le magasin que nous avons ouvert il y a dix-huit mois à Etoy, juste à côté d'Ikea Aubonne, réalise ses meilleures ventes depuis l'ouverture de Vernier. La raison est simple. Les clients viennent pour Ikea. S'il y a des embouteillages et une queue phénoménale aux caisses, ils repartent dès que leurs courses sont finies. Depuis que le site d'Aubonne n'est plus saturé, ils prennent le temps de passer chez Fly après Ikea. Cette fluidité nouvelle profite à tout le monde.»
Un avis partagé par Daniel Tona, d'Ikea: «Le centre commercial de Blandonnet a fait peau neuve, la Coop y a installé son plus grand magasin de Suisse romande et tout ça pourquoi? Parce que Ikea s'est installé à Vernier. Tout le monde en profite. La concurrence en profite, la ville ainsi que le canton en profitent et Ikea en profite!»

Sur le front de l'emploi, Vernier, qui affiche un taux de chômage de 8,6%, ne peut que se féliciter de l'arrivée d'un nouvel employeur sur ses terres. Surtout qu'en vertu d'une convention signée avec la Ville, le spécialiste du meuble en kit s'est engagé à recruter local: «Il s'agit d'une collaboration exceptionnelle, se félicite Daniel Tona. Sur les quelque 230 personnes que nous avons recrutées, 88% habit
ent le canton de Genève et 40% à Vernier. Nous souhaitons même augmenter cette proportion jusqu'à 50%.» Pour Ikea, ce modèle apporte plusieurs avantages: «Les salariés qui habitent à proximité sont plus flexibles et polluent moins par leur transport. Nous offrons d'ailleurs l'abonnement aux transports publics (Unireso) à tous nos collaborateurs. Par ailleurs, nous avons constaté que depuis l'ouverture du magasin, le turn-over se révélait moindre que dans les autres succursales. Un bon résultat qui est certainement lié à la proximité travail-habitat de nos salariés.»

Ce coup de pouce pour l'emploi réjouit le maire de la ville, d'autant que ce partenariat s'annonce durable. «Pour ses prochains recrutements, Ikea continuera à passer par notre service jeunesse et emploi. Dès l'année prochaine, l'enseigne recrutera notamment une dizaine d'apprentis et des stagiaires de la ville (jusqu'à une trentaine à terme, ndlr) , puis des personnes en réinsertion. Un tel engagement est, à ma connaissance, une première pour la ville et aussi pour Ikea.»

Un modèle qui pourrait bien faire des émules. «Grâce au succès rencontré avec Ikea, d'autres entreprises de la ville nous ont sollicités pour leur recrutement, poursuit Thierry Apotheloz. Elles ont désormais confiance en nos services pour dénicher de bons collaborateurs.» Les deux sous-traitants d'Ikea ? la société de sécurité carougeoise GPA Guardian Protection et l'entreprise générale de nettoyage TopNet ont d'ailleurs utilisé ce modèle de recrutement. «Il s'agit d'une condition que nous avons négociée avec eux lors de l'appel d'offres», précise Daniel Tona.

Autre négociation réalisée au bénéfice de la ville: la construction de bureaux. «Vernier est très connu pour ses citernes pétrolières et ses nombreux dépôts, regrette Thierry Apotheloz. C'est une situation que nous voulions changer. Nous avons donc demandé à Ikea de construire des bureaux, destinés à d'autres activités que le commerce.» Résultat: 5000 m2 de bureaux sur les toits de l'entreprise. «Nous sommes actuellement en négociation avec plusieurs entreprises afin qu'elles s'installent dans ces locaux, indique Daniel Tona. Ils seront bientôt occupés. Il pourra s'agir de bureaux, d'une école ou d'autres choses. Mais ce ne seront pas des commerces.» Finalement, la seule voix discordante dans ce concert d'éloges vient de là où on ne l'attendait pas. «Je suis un peu déçue, avoue Thérésa Marzo, gérante du restaurant Croisette Marzo Rocco, situé à deux pas du nouvel Ikea. On nous avait dit: «Avec l'arrivée d'Ikea, votre chiffre d'affaires va exploser!» En fait, non. Avant, ça marchait très fort, aujourd'hui beaucoup moins. Le matin, je faisais entre 400 et 500 francs de vente de cafés. Maintenant, c'est seulement 100 francs.» La raison? «La ville a supprimé nos places de parking afin de faire passer un nouveau bus. La mairie nous avait assurés que cela ne changerait rien parce que les clients iraient se garer sur le parking de 900 places d'Ikea. C'est faux. Ils ne viennent plus, d'autant qu'Ikea a ouvert un restaurant et commercialise ses boulettes de viande à 5 francs.»

 

Source : http://www.pme.ch/de/artikelanzeige/artikelanzeige.asp?pkBerichtNr=182214

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