• Home
  • Logements à Genève, la pénurie s’aggrave.

Logements à Genève, la pénurie s’aggrave.

27 novembre 2009 Thierry 0 Comments

Alors que certains s’évertuent à déplorer que l’Alternative ait voté des appartements-relais dans le budget 2010 plutôt qu’une centrale téléphonique extérieure qui répond à des appels de 07 h. 00 à 19 h. 00, je dénonce la complexité  croissante des situations rencontrées par notre service communale de l’action sociale face aux difficultés du logement à Genève. 

 

Pour obtenir des résultats, l’aide sociale doit s’appuyer sur plusieurs outils dont celui du logement. Comment une personne en difficulté peut-elle faire des projets d’insertion professionnelle si elle loge dans une automobile, dans un camping, dans une cave ou plus grave dans la rue ?

 

Des résultats existent. Voir l’article posté sur mon blog en mai 2009 (ici).

 

Au niveau cantonal, les grands propriétaires immobiliers doivent être invités à développer leurs efforts. Surtout, dans une situation où le taux de vacance des logements stagne à 0.2 % !

 

 

Ils vivent en famille dans une cave sans chauffage

 

MARC GUÉNIAT

 

Ils s'entassent à quatre dans leur chambre. Leur chambre? Plutôt une cave, proche de l'insalubrité, d'environ 15?mètres carrés. Trois mètres sur cinq. Avec deux enfants, âgés de un et 3?ans, Pedro* et sa conjointe, Anne*, vivent dans l'humidité d'un sous-sol depuis trois mois.

Le couple, un Dominicain et une Suissesse, a dû quitter dans l'urgence ? ce mot leur est familier ? un appartement à la fin du mois d'août. Après quelques années de sous-location non déclarée, le locataire a voulu le récupérer. Eux se sont retrouvés à la rue. Faute de mieux, une amie a bien voulu leur prêter cette «chambre».

«Cela devait être pour deux semaines. Nous avions bon espoir que l'Office du logement nous trouve un appartement rapidement, mais ce n'est toujours pas le cas», explique Pedro. Dans l'intervalle, l'hiver s'installe peu à peu; la cave suit l'évolution de la température ambiante, et se refroidit, peu à peu. Et Pedro fait état de cet «embarras» qui le contraint d'envahir le quotidien de son amie jusqu'à ce qu'un logement soit trouvé pour lui et sa ­famille.

Greffe du c?ur ou du foie?

Cet ébéniste, dont la formation n'est pas reconnue en Suisse, a perdu son emploi aux CFF à la fin de l'année 2007. A 34?ans, il se retrouve ainsi au RMCAS. Tout comme sa ­conjointe, plus jeune de dix ans. Allocations familiales comprises, le revenu du ménage s'élève à 2977?francs. Autant dire que chercher un logement sur le marché libre ne constitue pas une option.

Ce cas est considéré comme prioritaire par l'Office du logement (OLo), qui attribue des logements sociaux. Mais celui-ci est simplement débordé. La liste d'attente est longue de 5038 dossiers; la situation de l'un a beau être urgente, des centaines d'autres prennent leur mal en patience (lire ci-contre). Le pressant devient une notion relative: «Nous sommes souvent dans la situation de l'urgentiste qui doit choisir entre opérer une greffe du c?ur et une greffe du foie», image ­Michel Burgisser, directeur général de l'OLo. Lequel a pour principe de ne pas s'exprimer sur des cas concrets.

Violence domestique: séparation retardée

«Le cas de cette famille n'est malheureusement pas isolé», relève Marko Bandler, responsable du Service de l'action sociale et des solidarités de la commune de Vernier. A l'appui de ses dires, des situations, devant lesquelles les communes se révèlent impuissantes. Il n'y a qu'à piocher. Comme cette famille qui vit à neuf, dont les grands-parents, dans un quatre-pièces. Tel cet homme, sans domicile depuis trois mois, qui avait trouvé refuge au camping, avant qu'il ne ferme, fin octobre, pour l'hiver. Ce monsieur réside désormais à l'hôtel, comme de nombreux bénéficiaires de l'aide sociale.

Citons aussi le cas de cette mère, séparée d'un mari violent, qui ne veut pas quitter le domicile conjugal. A cet égard, tant Michel Burgisser que le délégué aux violences domestiques, David Bourgoz, relèvent que la carence de logements sociaux et d'urgence contraint des couples à poursuivre leur concubinage en dépit des agressions que peut subir la femme. Les foyers sont souvent pleins et ne constituent pas forcément la meilleure solution.

Cette situation générale pousse le conseiller administratif de la commune de Vernier, Thierry Apothéloz, à tirer la sonnette d'alarme. Et remettre en cause la politique de l'Hospice général. «Les communes doivent gérer des cas sur lesquels elles n'ont aucune marge de man?uvre. Il est temps que l'Hospice général prenne ses responsabilités en matière de politique sociale du logement plutôt que de miser sur la rentabilité de son parc immobilier», fulmine-t-il. Selon le socialiste, le logement figure au rang des outils de l'aide sociale, celle-ci ne se limitant pas à des prestations financières.

Mais ni l'Hospice général ni son conseiller d'Etat de tutelle, François Longchamp, n'entendent changer de pratique. Ils s'en expliquent ci-dessous.

*prénoms fictifs

 

TDG – 27.11.2009

(Photo : Steeve Iuncker Gomez)

«Il n'y a ni égoïsme ni cécité de la part de l'Hospice général»

Ce n'est pas nouveau, la pénurie de logement qui sévit à Genève touche tous les types d'objets. Lofts, villas, comme logements sociaux font défaut. Alors que de nombreux observateurs estiment que la situation sociale se dégrade, la part des logements sociaux dans le canton ne cesse de diminuer, passant de 20% de l'ensemble du parc immobilier dans les années?80 à 10% aujourd'hui. L'objectif de la Loi sur les logements d'utilité publique (LUP) vise à rétablir cet équilibre. Mais à moyen terme seulement. Dans l'intervalle, la gauche réclame périodiquement qu'une partie des biens immobiliers de l'Hospice général soit affectée au logement social et d'urgence. Son directeur, Bertrand Levrat, et son magistrat de tutelle, François Longchamp, estiment que ce serait «déshabiller Paul pour habiller Jacques». Le parc immobilier c
ontinuera de contribuer à l'autofinancement partiel de l'institution: ces bâtiments ne couvrent que 7% de ses dépenses totales.

 

Pourquoi l'idée d'augmenter le parc de logements sociaux et d'urgence par le biais de l'Hospice général, l'un des plus grands propriétaires immobiliers du canton, est-elle si mauvaise?

Bertrand Levrat: «Tout d'abord, la plupart de nos immeubles ne peuvent être affectés au logement social. Beaucoup sont commerciaux ou de haut standing. Ensuite, il est erroné d'affirmer que nous ne faisons que rentabiliser notre parc. Sur 1365 logements, 500 sont sociaux. Et nous en construisons: 650 à la Chappelle-les-Sciez et 300 à Vessy. Même si notre mission n'est pas de loger, nous le faisons de facto. L'urgence relève, elle, de l'Office du logement.»

François Longchamp: «Je rappelle que les logements de l'Hospice ne sont pas vides. Si déshabiller Paul pour habiller Jacques semble opportun à certains, je ne suis pas de cet avis. Ces positions simplistes doivent être nuancées. Il faut rentabiliser l'objet qui s'y prête et affecter au social celui qui convient.»

 

Vider des locataires pour en mettre d'autres semble en effet absurde. Mais profiter des départs naturels pour augmenter ce parc paraît possible?

François Longchamp: «Pourquoi pas, une fois encore, lorsque c'est possible. Mais l'Hospice général n'a pas pour mission de loger des personnes. Ce travail incombe à un dicastère dont je n'ai pas la charge (ndlr. celui des constructions).»

 

Le nombre de logements d'urgence est insuffisant. Or, dans ces situations, vous placez environ 120?personnes par an à l'hôtel. Cela coûte cher, environ 2,9 millions par an. Ne vaudrait-il pas mieux débloquer quelques logements de votre parc, d'autant qu'il ne couvre que 7% de vos dépenses?

Bertrand Levrat: «Il est possible que financièrement on s'y retrouve, je vous l'accorde. Cela dit, l'hôtel est une solution provisoire. On y reste trois mois au maximum. Après, une solution pérenne doit être trouvée car notre mission première est la réinsertion. Or, on ne cherche pas un travail ou une place de crèche pour ses enfants lorsque l'on n'a pas de toit. Nous voulons éviter de créer un ghetto, il n'y a ni égoïsme ni cécité de notre part; notre politique est cohérente.»

 

Mais à l'hôtel, ces gens démunis doivent manger au restaurant car on ne peut pas y cuisiner?

Bertrand Levrat: «Des solutions existent, comme le Caré ou le Square Hugo. Et pour nous, une personne à l'hôtel est en situation d'urgence. Mais il n'y a pas de solutions simples à court terme. Il faut construire.»

(mgt)

leave a comment