Caisse publique: le miroir aux alouettes

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Caisse publique: le miroir aux alouettes

16 mars 2023 Thierry Comments Off

En cette période électorale, les partis ne manquent ni d’imagination ni d’audace quand il s’agit de se démarquer sur le problème des coûts de la santé. Ils ne manquent pas de culot non plus lorsqu’ils font de la surenchère sur les moyens supposés pouvoir enrayer l’augmentation des primes d’assurance maladie. A Genève, cette propension à l’illusion démagogique est d’autant plus présente qu’on sait aujourd’hui que, avec les loyers, les primes sont la dépense qui contribue à faire de notre canton celui dont le revenu disponible des ménages est le plus bas de Suisse.

Un projet revient régulièrement sur la table: la caisse publique cantonale. Promue par certains comme la panacée, il s’agirait d’une caisse comme les autres, mais sous contrôle – et garantie financière – de l’Etat, à laquelle seraient contraints d’adhérer certains assurés.

Or, malgré les «bonnes» intentions des partisans de ce type de projet, il faut rappeler que la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) ne nous permet pas de mettre en œuvre un tel système à l’échelle d’un canton. Cette caisse publique cantonale, qui serait dès lors une structure prestataire parmi toutes les autres, n’aurait le pouvoir ni de forcer la souscription des assurés (le libre choix étant lui aussi garanti par la LAMal), ni de distordre la concurrence en proposant des primes ostensiblement plus basses que les autres (par un subventionnement public, par exemple). En effet, l’obligation de constituer des réserves et le principe de couverture des frais par le paiement de la prime sont eux aussi constitutifs de la législation fédérale à laquelle Genève n’a pas le loisir de déroger. Il serait en outre extrêmement risqué de créer un nouvel établissement avec tout ce que cela implique (investissements financiers publics conséquents, engagement de personnel, etc.).

Que faire alors pour lutter contre ce système profondément inégalitaire qui atteint aujourd’hui clairement ses limites? Une fois encore, la réponse se trouve à Berne, pas à Genève. Il faut passer soit par une modification de la LAMal, soit par un changement d’ordre constitutionnel. En ceci, l’initiative fédérale lancée en 2017 par Pierre-Yves Maillard et Mauro Poggia pour permettre aux cantons de prendre la main sur l’organisation de leur système de santé, avec notamment la possibilité de créer une caisse de compensation cantonale, était une idée lumineuse. Malheureusement, elle n’a pas abouti. Si elle a suscité un fort engouement en Romandie, son rejet a été presque total en Suisse alémanique, traditionnellement plus attachée au système actuel… et dont la population paye des primes autrement moins élevées. C’est pourtant là la seule voie possible pour essayer de revenir à un système de soins plus juste et plus abordable pour les ménages. Je ne désespère cependant pas qu’on parvienne à relancer prochainement ce projet.

En attendant, les pouvoirs publics interviennent comme ils peuvent pour corriger le système. A Genève, nous avons le dispositif de subsides le plus efficace du pays, dans lequel nous injectons chaque année près de 630 millions de francs pour soulager financièrement un quart de la population. On rajoutera à ce chiffre les 26 millions qui viennent d’être débloqués uniquement pour compenser les effets de la hausse des primes en 2023.

Certes, grâce à l’intervention du politique, bon nombre de familles voient leur facture baisser. Tant mieux. Mais l’exercice va inexorablement atteindre un jour ses limites, lorsqu’on sait que les coûts de la santé ne vont cesser de croître à l’avenir, notamment en raison de l’inexorable vieillissement de la population. Sur ce volet, il nous faudra investir massivement dans la prévention autant que dans les soins de proximité.

J’ignore combien de temps le système sera capable de tenir avant d’imploser. Ce qui est clair en revanche, c’est qu’il nous faut continuer de nous battre à Berne pour faire bouger les lignes, plutôt que de continuer à essayer de vendre des illusions à la population genevoise. Pendant une campagne, toutes les promesses se valent, même les plus fantaisistes. Hélas.