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120 émotions par minute

22 août 2017 Thierry 0 Comments

A l’occasion des 25 ans de l’association PVA Genève (Personnes vivant avec), j’ai été invité à la projection du film «120 battements par minute». Récemment primé à Cannes (Grand prix du jury 2017). Ce film retrace l’histoire bouleversante des premières mobilisations d’Act’Up pour médiatiser la problématique du SIDA en France à la fin des années 80. Film triste, film fort, film vrai, « 120 battements par minute » nous rappelle combien l’émergence de la lutte contre le VIH s’est révélée complexe et difficile, tant cette « épidémie de l’amour » heurtait les valeurs morales, religieuses, médicales et, surtout, sociales de l’époque.

La fin des années 80 est la période la plus douloureuse de l’histoire du VIH, celle qui fit le plus de victimes. La médecine semblait impuissante à endiguer cette maladie cruelle qui tuait à coup sûr celles et ceux qui en étaient atteints. Mais c’est aussi par ce biais que la communauté homosexuelle, première touchée, a pris ses responsabilités politiques et a commencé à occuper l’espace public. En portant la mobilisation sur les moyens de prévention, sur les risques, sur les affabulations aussi qu’on prêtait à cette maladie. Aujourd’hui encore, les associations homosexuelles, partout, sont les fers de lance du discours de la prévention et jouent toujours un rôle considérable dans les politiques publiques de lutte contre le VIH.

Car il a fallu du temps pour faire du VIH un véritable problème de santé publique. Il a fallu surtout l’affaire du sang contaminé, qui a soudain fait prendre conscience que nul n’était à l’abri. Et que, au final, le SIDA n’était plus la maladie du sexe, mais bien celle du sang. Il en a fallu des combats pour faire progressivement changer les mentalités, pour abattre les murs de la morale, pour toucher les consciences, pour sortir des caricatures, pour expliquer les risques. Tout cela, au départ – et encore aujourd’hui – a été le fait de femmes et d’hommes qui, par la force du collectif, se sont mobilisés pour faire émerger cette problématique sur la place publique et obtenir la médiatisation nécessaire à une lutte efficace contre le fléau du VIH. Cela non plus, il ne faut pas l’oublier. Les politiques sont arrivés bien après. Ils furent durs à convaincre. A Genève, il faut saluer l’engagement sans failles d’un Guy-Olivier Second, qui a rapidement compris combien il fallait agir, et vite. Il a posé les jalons de la lutte. Une lutte qui continue encore, chaque jour.

Le VIH est une maladie, faut-il le rappeler, dont on ne peut pas encore guérir. Vivre avec, certes, mais sous médication constante. Cela non plus, on ne doit pas l’oublier. Je fais partie de cette génération qui a grandi avec le SIDA, et qui a vu tomber des proches. Je n’oublierai jamais mes amis Michèle et Francesco, qui n’ont pas eu la chance de connaître les trithérapies, et qui nous ont quittés trop tôt.

« 120 battements par minute » nous rappelle aussi que, aujourd’hui encore, la stigmatisation est toujours présente et que le VIH demeure, pour beaucoup, la maladie de la honte, le syndrome d’une déviance ou une punition divine. Casser ces projections absurdes et lutter contre les préjugés est un combat constant, qui semble ne pas avoir de fin. Je connais celles et ceux qui continuent de le porter et de se battre au quotidien. C’est vers ces femmes et ces hommes que vont aussi mes pensées.

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