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Thierry Apothéloz à la fenêtre, au Lignon

Non, Le Lignon n’est pas une zone sinistrée!

23 octobre 2015 Thierry 0 Comments

Thierry Apothéloz, maire de Vernier (GE), habitant du Lignon, estime que «Le Temps» a fait un portrait réducteur d’un quartier populaire genevois suite au départ d’un jeune homme radicalisé vers la Syrie

C’est avec beaucoup d’attention que j’ai pris connaissance de l’article de Madame Lugon Zugravu publié dans Le Temps du samedi 3 octobre, au sujet de la «radicalisation rampante» censée se propager notamment dans le quartier du Lignon, à Vernier.

C’est un point de vue tout particulier que de prendre l’exemple épiphénoménal d’un jeune désocialisé parti en Syrie et d’en profiter pour dresser un panorama de la vie de banlieue, dans lequel aucun cliché ni aucun stéréotype ne sont épargnés.

À lire cet article, on a l’impression que nos cités populaires, à Lancy comme au Lignon, se métamorphosent petit à petit en zones sinistrées, dans lesquelles un islamisme fantasmé – et fantasmagorique – aurait petit à petit pris racine. Les portes ouvertes s’enfoncent dès lors allègrement et l’article ne se prive pas de dresser un portrait misérabiliste et caricatural de la vie des quartiers populaires, avec force poncifs.

Bien entendu, on s’étonnera de ne trouver, sur le Lignon, aucun témoignage probant de l’ensemble du dispositif de lutte contre la rupture sociale et scolaire des jeunes qui est, rappelons-le, la principale cause de désaffiliation menant à la radicalisation. Ce ne sont pourtant pas les interlocuteurs qui manquent: écoles, travailleurs sociaux hors murs, correspondants de nuit, animateurs, îlotiers de la gendarmerie, policiers municipaux. Non, il est plus facile d’improviser un micro-trottoir en guise de méthode d’investigation ou d’interroger des travailleurs sociaux de Lancy… pour parler du Lignon ou des Avanchets, un quartier dans lesquels ils ne travaillent pas.

Le Lignon, voyez-vous, j’y vis depuis plus de 15 ans. Je le connais par cœur, lui et ses habitants. Il ne ressemble en rien au portrait dressé dans cet article, qui accumule les pires clichés sur les cités populaires. Peut-être afin de faire coller à un quartier où l’on vit bien, l’image d’une banlieue française ou américaine, parce que cela correspond mieux à l’image qu’on aime à se faire des cités. Cela aide à avoir peur et à s’engoncer dans ses propres certitudes au sujet d’une réalité qu’on ne connaît que par le prisme de nos a priori. Quitte à jeter l’opprobre sur un quartier aimé et défendu par ses habitants. Un havre de paix où tout n’est pas rose, mais où la qualité de vie est exemplaire. N’en déplaise à cette vision tronquée.

Bien entendu, constater qu’un des enfants du quartier est parti rejoindre le combat en Syrie interpelle. D’autant les autorités. En ce sens, nous avons mis un dispositif de prévention pour la jeunesse. Les faits récents nous incitent à renforcer ces mesures. Sur invitation du gouvernement Obama, j’ai moi-même participé au lancement d’un réseau des villes à New York pour lutter contre l’extrémisme. Dommage que Le Temps n’ait préféré couvrir ce rendez-vous mondial destiné précisément à la prévention de la violence des jeunes et du terrorisme.

Le sujet méritait un article qui batte en brèche les stéréotypes piégeurs. Il ne fait malheureusement que les renforcer.

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