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« En politique, c’est bien d’écouter, mais il faut surtout agir »

Source: Laure Lugon, publié le jeudi 18 mai 2017

Samedi dernier, les militants du Parti socialiste genevois l’ont élu premier des candidats au Conseil d’Etat. Le maire de Vernier doit une partie de son succès à son vécu populaire

Thierry Apothéloz, vous êtes plutôt Emmanuel Macron ou Pierre-Yves Maillard? Au lendemain de sa brillante élection par le congrès socialiste à la candidature au Conseil d’Etat genevois, le maire de Vernier n’hésite pas: «Pierre-Yves Maillard, car il est capable de porter avec force un discours de politique sociale qui correspond au mien.»

A tous ceux qui rêvent d’un macronisme du bout du lac, il faudra opposer le jeu des différences. A l’évidence, Thierry Apothéloz n’a que la jeunesse en partage avec le nouveau président français: trop à droite pour lui, un langage peu clair sur les sujets de société, une posture ni gauche ni droite qui ne serait qu’une manœuvre tactique. La coqueluche des socialistes genevois préfère, et de loin, le vieux routier du socialisme vaudois.

Comparaison altière, pour ne pas dire arrogante: il ne coule pas dans les veines du Verniolan la même combativité opiniâtre que dans celles du Vaudois. «Il est très sympa, mais il est lisse et ne prend pas de risques, estime un membre du parti désireux de conserver l’anonymat. Contrairement à Maillard, il n’a pas une envergure phénoménale et je doute qu’il réussisse à atteindre une stature cantonale.»

Cette vision n’a manifestement pas été partagée par les membres du congrès, qui ont offert à Thierry Apothéloz un score pulvérisant ses coreligionnaires. Le Verniolan a obtenu la majorité absolue, laissant derrière lui la conseillère d’Etat sortante, Anne Emery-Torracinta, et la grande argentière de la Ville, Sandrine Salerno, et éjectant les nouveaux venus, la magistrate d’Onex Carole-Anne Kast, le conseiller national Carlo Sommaruga et le chef de groupe au Grand Conseil, Romain de Sainte Marie.

Entregent, empathie, écoute

Si les militants ont adoubé Thierry Apothéloz, c’est peut-être moins en vertu de sa doctrine politique que parce qu’il est, en somme, le roi des bons copains, l’oreille de tous et de chacun, l’éternelle jeunesse, celui à qui on murmure «si on te suit, c’est parce que tu donnes envie». De l’envie, il en a à revendre, le chouchou de la classe, au lendemain de sa victoire d’étape. Il estime la devoir à sa personnalité au moins autant qu’à son parcours politique: de l’entregent, de l’empathie, de l’écoute.

Ces qualités, il faut les lui concéder. A 46 ans, l’homme a compris que l’époque était aux figures avant d’être aux idées. Il a capitalisé sur la première. Issu d’un milieu modeste, il a d’abord rencontré des difficultés scolaires avant de tracer son chemin: Ecole de commerce, vendeur en grand magasin, puis formation d’éducateur spécialisé, pour finir, en 2011, alors qu’il est maire depuis huit ans, par décrocher un bachelor en droit. «Je n’étais pas allé à l’opéra avant l’âge de 30 ans, raconte-t-il avec une certaine émotion. J’ai découvert la danse contemporaine il y a dix ans et maintenant j’aime m’y rendre. J’ai mis du temps à oser exister différemment dans un milieu ouvrier comme le mien, comme si je souffrais d’une forme de timidité sociale.»

Une fois cette frontière de classe franchie, Thierry Apothéloz est resté à la cité populaire, «je suis le seul candidat qui y vit», et aux préoccupations des «nouveaux précaires», comme il les appelle. Alors, qu’on ne vienne pas lui reprocher de pratiquer le clientélisme, «car les «pauvres» ne votent pas». Ou de faire entrer au parti des adhérents alibis (LT/12.05.2017) en vue du congrès qui, d’ailleurs, l’a sacré roi: «Notre section s’est battue pour que le parti traduise la mixité de notre cité.»

Si je suis élu au Conseil d’Etat, mon objectif est de parvenir à zéro jeune à l’aide sociale, car je veux donner un avenir à notre jeunesse.

Thierry Apothéloz

Il n’empêche: vous n’imaginez pas tout ce que le camarade Apothéloz peut faire pour vous. Car son objectif est de développer encore le filet social: «Pas dans un dispositif de prise en charge. Je veux qu’on accompagne les gens vers l’autonomie.» Concrètement? Augmenter les places en crèche, favoriser l’acquisition du langage des tout-petits pour éviter le fatalisme de l’échec scolaire, développer la formation pour sortir les chômeurs des impasses. «Il faut investir plutôt que réparer. Si je suis élu au Conseil d’Etat, mon objectif est de parvenir à zéro jeune à l’aide sociale, car je veux donner un avenir à notre jeunesse.» Comment? «En les aidant avec des bourses de formation qui assureraient aussi le minimum vital.»

Fêter devant l’Eurovision

Un discours dans la droite ligne de la doxa socialiste, aussi lui faisons-nous remarquer qu’il compte faire du neuf avec du vieux. Et le maire de recourir aussitôt à son bilan, lui qui a rêvé Vernier en laboratoire social: «Quand on fait 250 projets via des contrats de quartier favorisant le lien social, quand la police reconnaît l’utilité de correspondants de nuit en faisant appel à eux pour garantir la tranquillité, quand on convainc les entreprises d’embaucher des demandeurs d’emploi, on ne fait pas du neuf avec du vieux!»

Malgré les divisions qui fissurent le PS genevois, Thierry Apothéloz part à la course à l’exécutif avec du pep. Rigolard, il confie avoir fêté sa victoire devant la finale de l’Eurovision de la chanson: «Le Portugal a gagné, il gagne tout! L’Eurofoot, la croissance, le remboursement de la dette, l’alliance de la gauche et de l’extrême gauche…» Et en boutade: «A défaut d’être Pierre-Yves Maillard, si je pouvais être Antonio Costa (le premier ministre portugais), ça m’irait très bien aussi!» Il n’y a pas de mal à vouloir devenir ministre quand on est le bon copain du quartier.

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