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Solidarité pour un concierge

21 avril 2017 Thierry 0 Comments

Le Courrier – Mardi 18 avril 2017 par Christiane Pasteur

Choqués par le licenciement d’un des nettoyeurs de la grande tour du Lignon, ses habitants se mobilisent et lancent une pétition qui récolte 239 signatures.

La grande tour du Lignon, ses cinq allées, ses 30 étages, 31 avec la piscine, n’ont pas de secrets pour lui. D’abord, parce que Thierry y habite depuis un bail. Ensuite, parce qu’il la nettoyait tous les jours depuis huit ans. Jusqu’au 31 décembre dernier, lorsqu’il a été licencié pour des motifs nébuleux. Un congé en guise de cadeau de Noël qui vint ponctuer une année particulièrement pénible pour celui qui faisait jusqu’ici office de concierge à la satisfaction de ses voisins.

Emus d’apprendre son licenciement, des habitants se mobilisent et lancent une pétition demandant à son employeur de reconsidérer sa décision. «Il était notre concierge même s’il n’était pas rémunéré comme tel», explique Denise Rauss-Chauveton, l’une d’eux. «Il nous connaît, nous parle, nous rend service, c’est un rayon de soleil dans ce grand ensemble.»

«Il était aimable, toujours à l’écoute, même en dehors de ses heures», complète Myriam Bommer, présidente de l’Association des locataires de la grande tour du Lignon. «Un jour, l’eau coulait du plafond dans notre appartement. Thierry a colmaté le tuyau cassé et écopé une centaine de litres d’eau. Et ceci durant un week-end», illustre une autre habitante.

Concierge de père en fils

La pétition récolte 239 signatures pour quelque 300 appartements occupés. Elle s’accompagne de trois lettres écrites par des copropriétaires et des locataires adressées aux dix sociétés gérant l’immeuble. «Cette histoire illustre la déshumanisation rampante de nos lieux de vie et le peu de considération des régies pour ceux qu’ils administrent et dont ils tirent pourtant leur subsistance», souligne encore Mme Rauss-Chauveton.

Cet élan de solidarité met du baume au cœur de Thierry qui venait de perdre son père, puis trois semaines plus tard la compagne de celui-ci. «Après, on m’a licencié. Dans la tête ça faisait beaucoup. J’avais mal, mais j’ai tenu à faire mon travail jusqu’au dernier jour. Une question de respect vis-à-vis des autres et de moi-même. Et puis on m’a montré de nombreux signes de sympathie», se réjouit-il.

Lui a toujours fait des nettoyages. «Concierge de père en fils», comme il dit. Son père fut concierge au Lignon, déjà, quand il était enfant. Il aimait bien donner aussi des coups de main à sa mère dans les bureaux. «Je n’ai jamais eu honte de ce métier même s’il est parfois considéré comme dégradant. On y côtoie beaucoup de monde. On est aimé ou pas, mais dans l’ensemble j’ai toujours eu de bons contacts avec les gens.»

Dès 2008, il travaille comme second du concierge dans la tour. «A l’époque, on avait le double des clés de certaines personnes, on vidait leur courrier quand elles étaient en vacances, on était présent si quelqu’un devait venir pour les réparations ou autre», se souvient Thierry. Dès 2014, il travaille en binôme pour une entreprise qui a repris le nettoyage des lieux à la demande des régies qui entendent ainsi faire des économies en remplaçant le concierge fixe.

Un repère pour les aînés

Contactée par nos soins, la société n’a pas souhaité faire de commentaire.

Thierry Apothéloz, conseiller administratif de la Ville de Vernier chargé de la cohésion sociale, se réjouit de la réaction des habitants. «La pratique des régies est bien connue. Elle consiste à renoncer aux concierges-habitants au profit d’entreprises de nettoyage. C’est particulièrement regrettable: on déplore le manque de sécurité et de relations humaines dans les quartiers, pourtant les concierges sont licenciés à tour de bras.»

Le magistrat s’engage à écrire à la régie pour appuyer la demande des habitants en faveur d’un poste à demeure.

«Il faut bien l’admettre, le concierge est un repère pour des personnes âgées isolées. Il donne volontiers des coups de main ici et là. Par une présence naturelle, régulière et souvent bienveillante, il assure une sécurité de proximité. C’est un investissement et non une dépense inutile.»

A 51 ans, trouver un nouvel emploi ne sera pas une sinécure. Malgré un parcours de vie pas toujours facile, Thierry regarde devant lui. Il suit désormais une formation de concierge aux EPI (Etablissements publics pour l’intégration), à la Pallanterie. Ainsi, tous les jours durant quatre mois, il traverse le canton. «Je pars à 8h15 le matin et rentre après 18h. On fait l’entretien de certains bureaux et ateliers, donc on est souvent les derniers à partir.» Quatre mois à plein temps afin de faire valider ses acquis. «Savez-vous qu’un concierge ne doit plus dire panosse mais mop, en anglais?» C’est bien ce qu’on pensait: pas du genre à s’apitoyer.

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