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Cohésion sociale: il faut appliquer la loi. Maintenant !

28 février 2018 Thierry 0 Comments

Je suis particulièrement heureux et fier d’apprendre aujourd’hui que le Parti socialiste vient de déposer une motion demandant la mise en œuvre immédiate de la Loi sur la politique de cohésion sociale en milieu urbain. En tant que magistrat communal et Président de l’association des communes genevoises, j’ai souvent demandé à ce que le Conseil d’Etat applique cette loi, entrée en vigueur il y a de cela déjà cinq ans ! En vain. La volonté du législateur s’est toujours heurtée, jusqu’ici, au manque de volonté politique de doter Genève d’une politique ambitieuse de réduction des inégalités et de lutte contre la précarité. Grâce à cette motion, dont je ne doute pas qu’elle saura être largement soutenue, on a enfin l’opportunité de contraindre l’exécutif cantonal à mettre en œuvre la loi. Et il y a urgence!

Les inégalités explosent à Genève

On ne compte plus aujourd’hui les rapports et études qui démontrent le creusement inexorable des inégalités dans notre canton. On citera pêle-mêle, bien sûr, le rapport du Conseil d’Etat de 2016 sur la pauvreté à Genève, mais également l’étude du Professeur Guessous sur le renoncement aux soins pour des raisons économiques, ou le toujours très actuel second rapport statistique de 2014 du Centre d’analyse territorial des inégalités. Tous les voyants sont au rouge et, petit à petit, il semble que la supposée « classe moyenne » se retrouve supplantée par une « classe fragile », qui peut basculer à tout moment vers la précarité ! L’augmentation régulière des loyers ou des primes d’assurance-maladie sont déjà, en soi, des facteurs qui amenuisent chaque jour un peu plus le pouvoir d’achat des genevois-e-s, sans que les salaires et les revenus n’augmentent dans une proportion similaire. Ils/elles sont donc toujours plus nombreux/ses à basculer dans la spirale infernale de la vulnérabilité…

Au-delà de cette problématique évidente, dont j’imagine que beaucoup d’entre nous se rendent compte au quotidien, il existe surtout à Genève une précarité territoriale particulièrement préoccupante. C’est d’abord à celle-ci que s’attaque la loi sur la politique de cohésion sociale en milieu urbain, car c’est justement la population des quartiers les plus précarisés qui subit de plein fouet le processus de fragilisation que je viens d’évoquer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de personnes suivies à l’aide sociale a presque doublé en l’espace de 10 ans dans notre canton. Et la plupart des bénéficiaires de l’Hospice général, par nécessité ou par état de fait, se concentre dans quelques quartiers spécifiquement fragiles.

Revoir le développement urbain de Genève, mais pas seulement

Au cours de son histoire récente, Genève a bâti d’immenses quartiers populaires, souvent majoritairement composés de logement sociaux. Certes – j’en sais quelque chose, moi qui ai grandi aux Avanchets et vis aujourd’hui au Lignon – la qualité de vie, les solidarités de voisinage et l’ambiance y sont souvent formidables. Il n’empêche que, de facto, on a créé des ensembles urbains où se concentrent des populations vulnérables. En termes politiques, les collectivités locales que sont les communes, font certes d’immenses efforts pour favoriser au maximum la qualité de vie dans ces quartiers. Il n’empêche que, au vu de la situation, c’est aussi au canton de prendre sa part des responsabilités et de se donner les moyens nécessaires pour lutter contre les phénomènes concentrationnaires de précarité. Un premier pas a été fait, sous l’impulsion de Charles Beer, lorsque, en 2006 déjà, on a permis aux écoles des quartiers populaires d’avoir moins d’enfants par classe. C’est typiquement ce genre de mesure, qui convient d’appliquer à l’ensemble de nos politiques publiques, qui font sens en matière de lutte contre les inégalités : plus de service public, plus de moyens, plus de ressources là où les besoins sont les plus nombreux.

Et demain ?

Sans stigmatisation aucune, la loi sur la politique de cohésion sociale en milieu urbain s’adressait principalement à la dizaine de quartiers vulnérables de la Ville de Genève et des communes suburbaines. L’urgence est aujourd’hui plus grave, car le curseur de la fragilité sociale tend à se déplacer un peu partout et il semble que rares sont les quartiers de notre canton à être épargnés par le phénomène. Il convient donc urgemment de répondre aux inégalités dans un contexte plus global. A Vernier, la moitié des personnes suivies par le service social sont des « working poors », à savoir des familles dont les parents travaillent ! Il est loin le temps où les affres de la pauvreté ne touchaient… que les pauvres !

Au-delà du fait que le gouvernement est chargé de la mise en œuvre d’une loi votée par le Parlement, celle de la politique de cohésion sociale en milieu urbain serait déjà un signal indispensable. En l’absence d’une véritable prise de conscience de la part du Conseil d’Etat de la progression de la précarité, il est fort à parier que le phénomène sera condamné à s’amplifier.

S’il est un dossier politique urgent sur lequel je veux peser, c’est bien celui-là.

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